Interview express avec Thierry Bodson, président de la FGTB, à quelques jours de la manifestation du 14 octobre.

La FGTB prépare une manifestation qu’elle veut « historique », le 14 octobre…

Elle le sera. Je pense que les gens commencent à réaliser ce qui se passe. Pas assez vite, ceci dit ! Je crains que beaucoup ne tombent de haut, notamment quand ils découvriront le montant de leur pension ou l’âge auquel ils pourront la prendre…

Le monde du travail est en ligne de mire depuis les premières versions de l’accord de gouvernement…

Les réformes qui tombent les unes après les autres frappent toujours les mêmes : les travailleurs, et les femmes d’autant plus. Prenons un exemple récent : des chiffres du SPF Pension affirment aujourd’hui que 30 % des gens – dont 70% de femmes – vont perdre en moyenne 318 euros par mois. Soit un tiers de leur pension ! 318 euros, c’est énorme — pour beaucoup, c’est la bascule immédiate sous le seuil de pauvreté. Et on le disait depuis des mois !

Prenons aussi l’âge de la pension : on nous dit qu’il est encore possible de partir avant 67 ans… mais qu’on nous montre des cas concrets ! Aujourd’hui, partir avant 67 ans, ça tiendra du miracle. Tout est fait pour qu’il soit impossible d’arrêter plus tôt.

Tu dénonces un manque de respect flagrant…

Les mesures sont indignes. Jan Jambon a déclaré aujourd’hui que les femmes ayant eu un ou des congés de maternité avant 2003 n’auront qu’à “réclamer” pour que ces périodes soient comptabilisées dans leur pension. C’est inacceptable ! Qui va s’en rendre compte une fois le calcul reçu ? Qui va “réclamer” ? Et qui aura encore les documents et preuves nécessaires, plus de vingt ans plus tard ? C’est une logique injuste, technocratique, incompréhensible, et discriminante.

Beaucoup de gens pensent que les +55 ans seront relativement « protégés »…

Les fameux “protégés” de la réforme du chômage ? Parlons-en ! Je croise des gens avec 25 ans de carrière comme salariés, interrompus par 10 ans comme indépendants, et qui, une fois dans la soixantaine, se retrouvent exclus du chômage. Pas de porte de sortie, pas de filet de sécurité, et l’exclusion au  bout du compte. On va où ? C’est une fabrique à pauvreté, même pour les gens qui ont travaillé toute leur vie.

Récemment, tu épinglais des propos mensongers venus de la droite…

Oui ! Et ça ne s’arrête pas. C’est raccourci sur raccourci. On prétend que notre pays dépense trop ? C’est faux : le problème vient d’un manque de recettes, pas des dépenses !
On prétend que la Belgique est le pays le plus taxé au monde ? Encore faux : c’est le travail — et seulement le travail — qui est taxé. Les autres revenus passent entre les mailles du filet, et les très riches sont protégés.
Et maintenant, certains osent dire qu’on pourrait récupérer des millions sur le dos des malades ! C’est de la folie, et c’est insultant pour toutes les personnes en arrêt de travail.

Le 14 octobre, quel message voulez-vous faire passer ?

Qu’il faut changer de cap. Ce qui se déroule sous nos yeux, ce n’est pas un projet de société, c’est un aveu d’échec. On nous avait promis de récompenser le travail, mais c’est tout l’inverse qui se produit. Le monde du travail paie très cher, et les grandes fortunes s’en sortent très bien ! C’est à l’opposé du modèle solidaire que nous défendons.

On invite tout le monde à nous rejoindre. Car avec ce gouvernement, tout le monde est touché, tout le monde va y perdre.