Non, la sécu ne coûte pas trop cher

Non, la sécu ne coûte pas trop cher

Dans l’ensemble, la Sécu rencontre efficacement ses objectifs de réduction de la pauvreté et de maintien du niveau de vie des travailleuses et des travailleurs. Même si plusieurs améliorations peuvent être apportées au mécanisme.

Constatant avec amertume qu’une politique sociale et solidaire marche mieux que la liberté individuelle pour réduire la pauvreté, la droite a choisi un autre angle pour détruire la sécu : son définancement.

En effet, quoi de plus commode face à un mécanisme qu’on souhaite supprimer que de dire qu’on n’en a pas les moyens ? Or les moyens, on les a ! Tout est une question de choix politique. C’est ce qu’a montré le colloque organisé par les trois syndicats belges sur les 80 ans de la sécurité sociale le 16 avril dernier. Et la conférence donnée par Matthias Somers, coordinateur du Thinktank progressiste Minerva.

Les sources de financement de la sécu en Belgique

L’on compte trois principales sources de financement: les cotisations sociales des travailleurs, celles des employeurs et l’État. À cela s’ajoutent quelques sources diverses, dans une moindre mesure. Ces sources de financement ont évolué ces 30 dernières années. La part de financement par les travailleurs est en légère baisse (de 2 ou 3%) mais reste plutôt stable depuis 20 ans : autour de 20%. Idem pour la part
des sources diverses qui varie très peu : entre 2 et 3%. En revanche, la part de contribution au financement de la sécurité sociale par les employeurs a, elle, baissé drastiquement : drastiquement (de plus de 10%), passant de 45 à 35%. Enfin, la part de l’État est la seule à avoir augmenté. Elle est passée en 30 ans de 29% à 45%, soit une augmentation de plus de 15%.

Qu’est-ce que cela signifie ? Que les employeurs et les entreprises participent beaucoup moins à la solidarité nationale aujourd’hui qu’ils ne le faisaient il y a 30 ans. Et que pour compenser ces baisses de cotisations par les employeurs, le gouvernement puise dans le budget de l’État financé par l’impôt.

Où va l’argent ?

Sur 100 € dépensés par nos pouvoirs publics, 2 € sont consacrés à la défense et un peu plus au chômage. Un peu plus de 3 € sont consacrés à la sécurité (police, justice et pompiers). 6 € vont aux subventions salariales (subventions pour les heures supplémentaires, le travail de nuit et en équipe, la recherche et le développement…). Près de 7 € sur 100 sont consacrés à la maladie et à l’invalidité et 12 à l’enseignement. Les postes de dépenses les plus importants sont les soins de santé, avec 15 € sur 100, et les pensions, avec 21 €.

Sortir de la pensée économique à courte vue

Il faut distinguer les cotisations sociales – qui financent la sécu – et l’impôt des personnes physiques, l’IPP, – qui finance le fonctionnement de l’État et les services publics.

Pourquoi ? Parce que tout l’argent issu de l’IPP que le gouvernement va mettre dans la Sécu pour compenser les baisses de cotisations, c’est de l’argent qu’il ne pourra plus mettre dans les services publics tels que la police, la Justice ou les transports publics… Si les employeurs paient moins, il faut bien que quelqu’un d’autre paye à leur place.

Par ailleurs, si les employeurs cotisent moins, cela pose aussi des problèmes en terme de cohésion sociale. En effet, alors que les travailleurs et travailleuses continuent de participer à la solidarité nationale vis-à-vis de nos malades et nos seniors, les patrons, eux, décident d’y participer de moins en moins.

Les entreprises sont aidées

« Il faut baisser le coût de la main d’oeuvre et aider les entreprises, sinon on ne sera pas compétitif avec les pays voisins », nous répondent les employeurs.

Qu’ils se rassurent ! Les entreprises bénéficient d’aides et pas qu’un peu ! En additionnant les coûts des subsides, des régimes fiscaux spécifiques, des aides au développement, des baisses des cotisations, etc., l’État allouait moins de 2 milliards d’euros en aide aux entreprises il y a 30 ans. Et les subventions salariales atteignent plus de… 16 milliards aujourd’hui !

On dépense plus que nos voisins ?

Qu’en est-il vraiment des pays voisins ? Là encore, sortons du discours alarmiste et monolithique. D’une part contrairement à ce qu’on dit, en Belgique le rapport travail/production est du même niveau que celui du travailleur allemand, français ou néerlandais. Oui, les travailleurs belges sont compétitifs ! Être compétitif, ce n’est pas uniquement une question de coût. Si l’on paye moins quelqu’un et qu’il est plus souvent malade et moins productif, il ne sera pas compétitif.

Et qu’en est-il d’autre part de la comparaison des dépenses publiques avec les pays voisins ? Elles sont trompeuses à plusieurs égards. Elles ne tiennent par exemple pas compte des impôts, des avantages fiscaux ou encore, des dépenses sociales privées obligatoires. Si nous prenons tout cela en compte, nous dépensons à peu près autant pour la protection sociale que l’Australie, le Danemark, l’Autriche, le Canada et la Finlande. Nos voisins, la France, l’Allemagne et les Pays-Bas, dépensent plus que nous, tout comme les États-Unis.


«  Plus d’un tiers de nos dépenses sont consacrées à la santé et aux pensions. C’est remarquable, mais en France et en Allemagne, on dépasse les 40%. »

— Matthias Somers

Financements publics VS financements privés

Une dernière donnée remarquable présentée par Matthias Somers : la comparaison des dépenses sociales entre les pays de l’OCDE. Qu’y voit-on ? Premièrement, effectivement la Belgique figure parmi les pays dont les dépenses sociales publiques sont les plus élevées. Mais les dépenses sociales publiques ne sont pas les seules à financer une politique sociale. Il y a aussi des dépenses privées. Quand nous nous rendons chez le médecin, même si notre mutuelle nous rembourse une bonne partie des dépenses, il y
a toujours un solde payé de notre poche.

Bref, si l’on tient compte de toutes ces dépenses privées, que constate-t-on ? Quand on additionne les dépenses sociales privées et les dépenses sociales publiques, un pays comme les États-Unis consacre 5% de PIB en plus que ne le fait la Belgique. Pour le dire autrement, aux États-Unis, la politique de la santé coûte peut-être moins cher à l’État, mais elle coûte plus cher aux Américains, pour moins d’efficacité et surtout en laissant un nombre colossal de personnes n’ayant pas les moyens financiers suffisants sur le bord de la route.

Les assureurs privés n’ont qu’un seul objectif : le profit

Les assurances privées ne sont accessibles qu’à ceux qui ont suffisamment de moyens financiers pour se les offrir. Les travailleurs et travailleuses plus exposés aux risques tels que les maladies (professionnelles) ou les accidents du travail doivent payer des primes plus élevées, car le risque à assumer par l’assureur est plus élevé. Alors qu’il s’agit souvent précisément de travailleurs peu qualifiés ou d’emplois moins bien ou mal rémunérés. La privatisation n’est donc pas une option. Personne ne doit être laissé à l’écart. Notre sécurité sociale repose sur la solidarité : chaque travailleur cotise en fonction de ses moyens ; chaque travailleur reçoit en fonction de ses besoins, et non en fonction des cotisations versées.

Redonner les moyens

Les assurances privées ne sont accessibles qu’à ceux qui ont suffisamment de moyens financiers pour se les offrir. Les travailleurs et travailleuses plus exposés aux risques tels que les maladies (professionnelles) ou les accidents du travail doivent payer des primes plus élevées, car le risque à assumer par l’assureur est
plus élevé. Alors qu’il s’agit souvent précisément de travailleurs peu qualifiés ou d’emplois moins bien ou mal rémunérés. La privatisation n’est donc pas une option. Personne ne doit être laissé à l’écart. Notre sécurité sociale repose sur la solidarité : chaque travailleur cotise en fonction de ses moyens ; chaque travailleur reçoit en fonction de ses besoins, et non en fonction des cotisations versées.

Léonard Pollet
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