Construire la résistance syndicale contre l’extrême droite

Construire la résistance syndicale contre l’extrême droite

En tentant de surfer sur les vagues réactionnaires et néo-fascistes qui déferlent un peu partout dans le monde, des activistes d’extrême droite essaient actuellement de (re)constituer une force politique crédible et unifiée en Wallonie.

Ces tentatives doivent être prises très au sérieux dans un contexte marqué par une précarité croissante et une banalisation des idées d’extrême-droite et ce d’autant plus que la dernière initiative en date bénéfice du soutien affiché du Vlaams Belang et du Rassemblement national. Si les différentes mouvances de l’extrême droite wallonne arrivaient à s’unifier, à se rendre crédible et visible, et à s’organiser, elles feraient ainsi sauter un des obstacles qui restreignent actuellement sa progression en Wallonie.

Un extrême droite wallonne moribonde ?

Depuis la disparition du FN belge, la Wallonie est relativement épargnée par la montée de l’extrême droite observée ailleurs en Europe, même s’il persiste quelques groupuscules en recherche d’un second souffle électoral.

Comme l’affirment Bruno Verlaeckt et Vincent Scheltiens dans leur livre « Extrême droite : L’histoire ne se répète pas… de la même manière »[1], la faiblesse de l’extrême droite wallonne tient à 3 principaux facteurs :

  • Les propres faiblesses de ce courant : divisions internes, manque de moyens, absence de figure charismatique, profil inquiétant, pâles copies de partis étrangers…
  • L’existence – et le respect – d’un cordon sanitaire politique et médiatique.
  • Mais aussi et surtout la vigilance, la réactivité et la capacité de riposte des antifascistes et des organisations syndicales : il s’agit de perturber chaque événement d’extrême droite, contribuant ainsi à ostraciser et stigmatiser cette mouvance.

« Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde »[2].

Ce tableau plutôt positif ne doit pas faire oublier la possibilité réelle d’une montée de l’extrême droite en Wallonie, par la conjugaison de plusieurs facteurs :

  • Les tentatives de recomposition de l’extrême droite francophone (jusqu’ici sans succès).
  • L’influence de l’extrême droite française (Rassemblement National, Génération identitaire, Civitas…) sur le champ politique francophone.
  • Le développement des courants confusionnistes et conspirationnistes, particulièrement actifs lors de la crise sanitaire (anti-vaccins, corona-sceptiques, libertariens…).
  • Les scores cumulés des différentes formations d’extrême droite lors des derniers scrutins, qui peuvent atteindre des niveaux inquiétants, variant entre 5 et 10%[3].
  • La normalisation et le poids électoral de l’extrême droite flamande (Vlaams Belang, Schild & Vrienden…), qui pourrait servir de modèle de référence à l’extrême droite francophone.
  • Une tendance générale au renforcement autoritaire du capitalisme dans sa phase néolibérale (criminalisation des classes populaires, violences policières, répressions antisyndicales, développement des moyens de contrôle et surveillance des mouvements politiques et citoyens…).

Tous ces éléments constituent autant de facteurs qui pourraient – dans un contexte de crise – faire le lit d’un renouveau de l’extrême droite en Wallonie.

Vigilance syndicale et antifasciste

Il appartient donc aux organisations syndicales de maintenir et développer les deux autres verrous qui ont empêché et empêchent encore le développement du néo-fascisme en Wallonie : le cordon sanitaire médiatique et politique et la résistance antifasciste.

Sur ce second aspect de la lutte, la FGTB wallonne a chaque fois été au rendez-vous. Que ce soit à Verviers en 2019, Gilly en 2020, Liège en 2021 et plus récemment à Cuesmes, les militantes et militants ont réussi à contrecarrer les plans des néo-fascistes, à perturber, voire empêcher leurs rassemblements. Cette stratégie antifasciste réactive et radicale — la seule qui soit réellement efficace — doit être amplifiée et coordonnée au niveau syndical, dans un contexte où l’extrême droite va inévitablement multiplier ses tentatives de développement.

Parallèlement, il faut aussi porter la lutte sur le terrain des idées en déconstruisant et combattant les mensonges et stéréotypes de genre, d’origine et de classe véhiculés par l’extrême droite et la droite extrême. Face à la banalisation des thèses les plus réactionnaires qui soient, la tolérance zéro s’impose !

La lutte contre l’extrême droite ne peut évidemment se concevoir que dans le cadre plus large du combat pour une meilleure redistribution des richesses et une société plus égalitaire. Car c’est en attaquant leurs origines que l’on peut espérer faire disparaître l’extrême droite et ses idées. Mais ce combat plus large ne doit cependant pas faire l’impasse sur la nécessité de développer une stratégie syndicale antifasciste spécifique comme il en existe par exemple ailleurs en Europe[4].

L’extrême droite est l’ennemie des travailleuses et des travailleurs

En novembre 2022, le Centre d’Education Populaire André Genot (CEPAG) lançait sa campagne antifasciste intitulée « L’extrême droite est l’ennemie des travailleuses et des travailleurs ».

Cette campagne a vocation à organiser des activités et débats, à proposer des outils audiovisuels et des écrits, et à soutenir les mobilisations antifascistes.

La menace fasciste n’a pas disparu, elle relève même la tête, presque partout en Europe et dans le monde. Pour le CEPAG, en tant que mouvement d’éducation populaire, il était indispensable d’agir et de se mobiliser contre l’extrême droite mais aussi contre tous ceux et celles qui favorisent son émergence en diffusant ses idées.

En novembre 2022, le Centre d’Education Populaire André Genot (CEPAG) lançait sa campagne antifasciste intitulée « L’extrême droite est l’ennemie des travailleuses et des travailleurs ».

Cette campagne a vocation à organiser des activités et débats, à proposer des outils audiovisuels et des écrits, et à soutenir les mobilisations antifascistes.

La menace fasciste n’a pas disparu, elle relève même la tête, presque partout en Europe et dans le monde. Pour le CEPAG, en tant que mouvement d’éducation populaire, il était indispensable d’agir et de se mobiliser contre l’extrême droite mais aussi contre tous ceux et celles qui favorisent son émergence en diffusant ses idées.

« Faussement anticapitaliste, l’extrême droite défend en réalité un modèle économique inégalitaire. Elle prône un « capitalisme national », prétendument plus vertueux et authentique que sa version « mondialisée » mais qui exploite, en réalité, tout autant la classe travailleuse. L’extrême droite n’est pas l’alliée mais bien l’ennemie des travailleuses et des travailleurs ! », rappelle Vanessa Amboldi, directrice du CEPAG.

L’histoire nous prouve que c’est en coupant l’herbe sous le pied de l’extrême droite qu’on empêche son développement !


[1] Éditions du Cerisier – Place Publique, juin 2021, 168 p.

[2] Selon l’expression attribuée à l’écrivain et dramaturge communiste, Bertold Brecht.

[3] Score cumulé des listes d’extrême droite en Wallonie lors des derniers scrutins.

 199519992004200920142019
Parlement wallon6,2 %4,8 %8,66 %4,67 %8,59 %6,18 %
Parlement européen***5,57 %11,32 %5,13 %


* : Comparaison impossible en l’absence de ventilation régionale des résultats avant 2009.

[4] Par exemple le réseau français « Vigilance et initiatives syndicales antifascistes » (VISA), qui existe depuis 1996.

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