Mi-octobre, un mouvement de grève a secoué la chaîne de magasins Lidl. Les travailleurs dénonçaient des conditions de travail inacceptables. Une charge de travail toujours plus grande, trop peu de main d’œuvre, une pression omniprésente sur le terrain et des exigences de flexibilité démesurées de la part de la direction. Les travailleurs et travailleuses ont tiré la sonnette d’alarme à plusieurs reprises pour tenter d’instaurer un dialogue social constructif. Malgre cela, les dirigeants de la chaîne faisaient jusqu’à présent la sourde oreille.
Un accord a vu le jour
Les travailleurs, à bout, ont débrayé durant plusieurs jours et unis leurs forces pour que leur cause soit enfin entendue. La solidarité a payé, puisqu’un protocole d’accord a finalement pu voir le jour entre direction et syndicats. Il prévoit notamment de la mise en place d’un mesurage des tâches dans les magasins afin de pouvoir mieux évaluer la charge de travail. Egalement d’un renforcement drastique immédiat des équipes volantes dans les magasins où des travailleurs sont absents pour cause de maladie (une personne par 30 employés). L’accord prévoit aussi le maintien à durée indéterminée de 42 heures supplémentaires de travail par magasin et de l’ajout de 14 heures contractuelles supplémentaires par semaine par magasin jusqu’au 30 juin 2022. Pour certains magasins, ce complément d’heures peut aller jusque 36 h.
Un calendrier serré de négociation est également sur la table pour toute une série d’autres points essentiels qui doivent être discutés : encadrement de la flexibilité, bien-être au travail, CCT 104, jobs étudiants, barèmes des assistants, etc.
Emilie, déléguée, témoigne
Retour sur ce conflit social marquant avec Emilie, travailleuse chez Lidl depuis 14 ans et déléguée SETCa depuis 9 ans :
« Ces dernières années, l’entreprise a beaucoup évolué et s’est diversifiée. Ce qui, en soit, est une bonne chose. Aujourd’hui, Lidl n’est plus un hard discounter et a élargi sa gamme commerciale. Le problème est que la direction ne tient pas nécessairement compte de l’impact qu’ont ces changements sur les travailleurs et sur leur charge de travail. Les rayons pain et frais par exemple se sont considérablement élargis, les nouveaux magasins qui ont ouverts sont immenses, les actions de promotions à mettre en place demandent beaucoup de temps… Tout cela est beaucoup de travail et d’énergie en plus. Les gens sont constamment sous pression : il faut aller vite et en faire toujours plus. On ressent une constante fatigue physique et mentale du côté des travailleurs ».
La goutte qui a fait déborder le vase
« En 2018, nous avions déjà dû mener des actions et dénoncé les conditions de travail difficiles auxquelles le personnel était confronté. Nous avions alors obtenu un quota de 42 heures supplémentaires par magasin. Ceci était normalement acquis pour une durée indéterminée mais cela devait encore être encadré dans une CCT. Ce qui a déclenché les actions de grève en octobre, c’est le fait que la direction voulait soudainement revenir là-dessus et supprimer ces heures en plus. Pour les travailleurs qui se sentent en permanence pressés comme des citrons, c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase… »
« Les travailleurs se sont serrés les coudes. La détermination et la solidarité entre tous ont payé et permis d’aboutir à un protocole d’accord. Les mesures immédiates qui ont pu être négociées concernant le nombre d’heures supplémentaires et les équipes volantes sont une vraie bouffée d’oxygène. Sur toute une série d’autres points essentiels, des discussions doivent encore être menées. Douze réunions de négociations sont encore prévues à ce sujet. Une chose est certaine : nous restons extrêmement vigilants et nous irons au bout des discussions pour que les difficultés des travailleurs soient réellement prises en compte. »