Les expériences impliquant une semaine ou une journée de travail plus courte le démontrent : l’impact en est positif sur les personnes et l’environnement. Les entreprises belges peuvent désormais aussi s’inscrire dans un projet-pilote visant à instaurer la réduction du temps de travail.
Le Britannique John Maynard Keynes était l’économiste de référence au siècle dernier. Lorsqu’en 1930, à Madrid, il donne une conférence sur les perspectives économiques pour ses petits-enfants, il prédit une grande tendance pour le 20ème siècle : la réduction du temps de travail. Selon l’économiste, la prospérité et la productivité croissantes rendent la réduction de la semaine de travail inévitable.
Le rêve de Keynes est plus que jamais d’actualité. Le gouvernement fédéral souhaite répertorier les avantages d’une semaine de travail à temps plein plus courte. Tout au long de l’année 2024, des dizaines d’entreprises du secteur privé devraient lancer des expériences, durant un semestre, impliquant une réduction du temps de travail. Elles y participent sur base volontaire. La forme de la réduction du temps de travail peut être déterminée librement : une semaine de quatre jours, des journées de travail moins longues (une journée de six heures par exemple), ou une autre formule.
L’expérience doit permettre de se faire une idée de l’impact sur des facteurs tels que le stress, la productivité, la mobilité des travailleurs et travailleuses et l’attrait/le maintien du personnel, mais aussi de l’incidence sur l’environnement et l’emploi. Le suivi scientifique sera effectué par le Bureau fédéral du Plan en collaboration avec la faculté d’Économie de l’Université de Gand.
Une suite logique
La FGTB espère que ces expériences raviveront le débat sur la réduction de la semaine de travail à temps plein. Olivier Pintelon est conseiller au service d’étude de la FGTB ; il se penche depuis de nombreuses années sur la réduction du temps de travail. Il a même écrit un ouvrage sur le sujet, intitulé “De strijd om tijd” (« La lutte pour le temps ») . Entretien.
« Depuis les années 80, nous nous battons pour une semaine de travail à temps plein de 32 heures, avec maintien du salaire et embauche compensatoire. Plusieurs arguments peuvent être avancés en faveur d’une nouvelle réduction collective du temps de travail. D’abord, la semaine de travail plus courte se situe tout simplement dans le prolongement de l’histoire. Au fil du temps, la productivité des travailleurs et travailleuses s’améliore. Comme nous produisons de plus en plus de richesses par heure de travail, la réduction du temps de travail avec maintien du salaire est tout à fait possible. Au siècle dernier, on a acquis la journée de huit heures, la semaine de cinq jours et les congés payés … le tout sans renoncer à un seul franc belge ».
« La productivité augmente, la réduction du temps de travail avec maintien du salaire est donc tout à fait possible »
— Olivier Pintelon, Conseiller au service d’étude de la FGTB
Egalité f/h
« Ensuite, une semaine de travail à temps plein plus courte favorise l’égalité entre les femmes et les hommes. Quarante pour cent des femmes belges travaillent à temps partiel. D’une part, pour une meilleure conciliation de leur vie privée et professionnelle, d’autre part, parce qu’elles ne se voient offrir aucune place à temps plein. Une norme plus basse de 32 heures comme semaine à temps plein transformerait ce travail à temps partiel en un travail à temps plein, avec le salaire et les droits sociaux qui vont avec. »
« Il faut le dire : la façon dont nous organisons notre temps de travail n’est pas tenable. En Belgique, on dénombre actuellement près d’un demi-million de malades de longue durée. Dans ce groupe, on retrouve de nombreux travailleurs et travailleurs âgés, des ouvriers qui travaillent dans des conditions de pénibilité et des femmes qui présentent des problèmes liés au stress, comme le burn-out. En introduisant une semaine de 32 heures à temps plein, c’est toute la carrière qui devient davantage faisable. Ceci permettra également d’éviter que le nombre de malades de longue durée n’augmente ».
« Enfin, une semaine de travail à temps plein plus courte contribue à une meilleure répartition du travail disponible. Elle offre aux temps partiels involontaires la possibilité de faire des heures en plus et crée des opportunités pour le demi-million de demandeurs d’emplois actuels ».
Expériences étrangères
Les partisans de la réduction collective du temps de travail affirment que les effets positifs auront un impact plus important que les éventuels coûts (salariaux) plus élevés. A l’étranger, les expériences impliquant une semaine ou une journée de travail plus courte donnent des résultats positifs.
En Suède, le secteur public des soins (au niveau local) a lancé la semaine de 30 heures. Au Royaume Uni, en Espagne et au Portugal, des expériences à grande échelle avec une semaine de quatre jours sont également en cours. Le constat est le même : les travailleurs et travailleuses semblent en meilleure santé, plus concentrés. Avec cette mesure, il semble aussi plus facile d’attirer et de garder du personnel en fonction.
Les entreprises qui sont intéressées par cette expérience peuvent s’inscrire auprès du Bureau fédéral du Plan (à l’adresse mln@plan.be). Elles peuvent aussi opter pour un encadrement, par le biais d’une consultance (payante). Plus d’informations sur https://www.4dayweek.be/ Les entreprises et organisations intéressées sont également invitées à participer au prochain webinaire du Bureau fédéral du Plan qui sera organisé début février. Pour participer, envoyez un mail à mln@plan.be. |
Conseils pour les délégations syndicales
Les expériences en matière de réduction collective du temps de travail et maintien du salaire ne dépassent pas la norme salariale (de 0%) en vigueur.
Il existe une mesure de soutien aux entreprises qui optent, de façon permanente, pour une réduction collective de la semaine de travail. Ces entreprises bénéficient, pendant plusieurs trimestres, d’une réduction des cotisations patronales à l’ONSS. Un entreprise qui, par exemple, introduit collectivement la semaine de quatre jours bénéficiera d’une réduction de 1000 € par travailleur concerné durant 4 trimestres, et d’une réduction de 400 euros par travailleur concerné durant 12 trimestres. La réduction du temps de travail peut être appliquée à tous les membres du personnel ou à certaines catégories seulement, comme les ouvriers travaillant en équipes ou les travailleurs âgés.
Une réduction collective de la semaine de travail implique une modification du règlement de travail et est souvent introduite par une CCT d’entreprise. En tant que syndicaliste, vous êtes également à la table des négociations. En principe, c’est le Conseil d’entreprise qui décide au sujet du règlement de travail. Veillez à ce que l’introduction d’une semaine de travail plus courte n’entraîne pas une perte des droits. Comme, par exemple, à une perte de salaire partielle ou à la suppression du droit aux pauses.