Transition juste: l’urgence!

Transition juste: l’urgence!

Contexte : état critique pour notre planète…

Pour quiconque s’intéresse aux nombreuses études sur le dérèglement climatique, l’heure est grave. Les rapports se succèdent, en effet, avec des conclusions catastrophiques et des mises en garde plus qu’inquiétantes. Ci-après, une petite sélection de ce que l’on a pu lire ces derniers mois.

  • En septembre, un rapport scientifique indiquait que l’humanité avait dépassé six des neuf « limites planétaires » identifiées et que deux d’entre elles étaient quasiment sur le point de l’être…
  • À la mi-octobre, la Commission européenne publiait un rapport indiquant que les politiques actuelles de l’UE permettront de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 43 % d’ici à 2030 (par rapport à 1990). L’UE est ainsi très loin de l’objectif de 55 %, un objectif qui est en réalité beaucoup trop bas pour atteindre une transition climatique juste. L’asbl « Affaire Climat », qui mène une action en justice pour obliger les gouvernements belges à tenir leurs promesses internationales en matière de climat, exige par exemple que la Belgique atteigne au moins 61 % de réduction d’ici 2030.
  • Une nouvelle étude publiée fin octobre analyse le « budget carbone » restant (soit la quantité maximale de gaz à effet de serre que nous sommes encore « autorisés » à émettre). Les scientifiques ont calculé qu’en maintenant le niveau actuel des émissions de gaz à effet de serre, le « budget carbone » destiné à limiter le dérèglement climatique à 1,5 °C sera déjà épuisé d’ici six ans. Or, cette valeur de 1,5°C était l’objectif fixé par l’important accord de Paris sur le climat, en 2015.
  • En novembre 2023, un rapport du PNUE, le Programme des Nations Unies pour l’environnement, indique que les grands pays prévoient de produire, d’ici 2030, plus du double de charbon, de pétrole et de gaz que le maximum autorisé pour limiter le dérèglement climatique à 1,5°C. « Ces décisions mettent en péril l’avenir de l’humanité », souligne le directeur du PNUE.

Vers une transition ambitieuse ET juste

Pour faire simple : nous sommes sur la mauvaise voie. Nous avons besoin d’actions plus nombreuses, plus rapides, plus ambitieuses et plus radicales. Et, bien sûr, aussi d’une politique climatique plus juste. C’est notamment dans ce but que le gouvernement fédéral organise depuis deux ans une « Conférence pour une Transition Juste ». La dernière s’est clôturée cette année par les sessions des 8 et 9 novembre.

Une chose est de nouveau apparue très clairement: il ne faudra pas compter sur le patronat dans cette lutte. Force est de constater qu’à chaque fois,  la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) s’oppose à l’action climatique et la ralentit. Ce, à l’instar de ses homologues dans de nombreux autres pays et au niveau européen. L’administrateur délégué, Pieter Timmermans, déclarait déjà dans une interview dans Le Soir en septembre que, selon lui, les objectifs climatiques étaient « irréalistes ». Qu’il était donc nécessaire de les revoir à la baisse. Dans le cadre de la concertation sociale interprofessionnelle, les propositions de la FEB en matière de climat vont à peine plus loin que : « il faut renforcer la compétitivité », et « donnez-nous des subventions sans conditions ».

Sujets tabous

La justice et la participation des travailleurs et travailleuses semblent être des sujets tabous pour la FEB. Pourtant, avec le monde syndical international, nous plaidons depuis longtemps pour une « transition juste ». Car en réalité, le monde du travail et les syndicats ne sont pas opposés à une transition écologique bien nécessaire. « Il n’y a pas d’emplois sur une planète morte » est d’ailleurs entretemps un slogan bien connu. Mais cette transition doit être planifiée. De nouveaux emplois, verts, doivent être créés. Les droits du travail doivent être garantis. Les travailleurs doivent avoir leur mot à dire sur leur avenir, dans une économie en mutation.

A la conférence annuelle de l’OIT – l’Organisation internationale du travail, la seule organisation tripartite des Nations Unies – à Genève en juin, le monde syndical a dû se battre pour obtenir des directives claires en matière de transition juste. En Belgique, le combat avec la FEB s’avère encore plus difficile. Pieter Timmermans lui-même a déjà souligné que la transition ne devait pas être « juste », mais « soutenable ». La FEB semble allergique à toute participation des travailleurs.

Pourquoi les travailleurs doivent-ils aussi être des militants climatiques ?

Le discours patronal n’a évidemment rien d’étonnant : les travailleurs constatent au quotidien que l’appât du gain, les dividendes, sont tout ce qui compte aux yeux du grand capital. Ni les travailleurs ni l’environnement ne sont une préoccupation importante. C’est à nous, syndicalistes, de nous battre pour qu’une planète vivable prime sur la logique du bénéfice.

Premièrement, ce sont les travailleurs qui font les frais du dérèglement climatique. Souvenons-nous des inondations dans le bassin de la Vesdre. D’autres récits semblables suivront à l’avenir. Alors que les actionnaires peuvent déménager dans une villa, bien au sec, ce n’est pas à la portée de tout le monde. Autre exemple, celui des vagues de chaleur que nous connaissons : alors que les actionnaires profiteront d’une confortable installation d’air conditionné, ce ne sera pas le cas des travailleurs amenés à travailler dehors ou dans des espaces non climatisés. Pour eux, la situation deviendra de plus en plus dangereuse.

Des conséquences sur les prix aussi

Pensons encore aux conséquences de la transition sur les prix. Lorsque les prix de l’énergie augmenteront parce que les combustibles fossiles deviendront plus chers, ce sera encore aux travailleurs les plus fragiles de choisir entre se nourrir ou se chauffer. Quand les récoltes s’avèreront de plus en plus souvent désastreuses en raison des conditions climatiques extrêmes, ce ne seront pas les actionnaires qui souffriront de la forte augmentation des prix des produits alimentaires.

Nous ne sommes pas tous nés sous la même étoile. Alors que les très riches continueront à bronzer sur leurs yachts pendant que les éléments se déchaînent, le reste de la population devra tout simplement tenter de survivre sur une barque pourrie.

Trop lente transition

Deuxièmement, le risque d’assister à une transition trop lente au niveau de l’emploi est grand. Par le passé, nous avons déjà vu – en Belgique et à l’étranger – à quel désert économique et social une transition non-planifiée pouvait mener. Nous l’avons vu avec la fermeture des mines de charbon, des usines de métallurgie et d’autres entreprises industrielles.

Si nous n’avons plus notre mot à dire dans la politique de l’entreprise en tant que syndicat, il est effectivement possible que les multinationales industrielles restent encore quelques années chez nous… Qu’elles continuent parallèlement à obtenir des subsides (verts ou pas) financés par les contribuables, à distribuer de généreux dividendes, à imposer des conditions de travail intenables, sous prétexte des grands besoins d’investissement justifiés par la transition. Tout ça, avant de finalement mettre la clé sous la porte et de… s’en aller. Le syndicat doit donc obtenir plus de contrôle sur les investissements en matière de transition, au niveau interprofessionnel, sectoriel et de l’entreprise.

Tous ensemble à la marche pour le climat du 3 décembre

Notre cheval de bataille pour les prochaines décennies restera une transition juste. Qui profite aux travailleurs, laisse une planète vivable pour les générations futures et réduit les inégalités et l’insécurité.

A nous de gagner ce combat sur le terrain. Dans les secteurs. Et évidemment au travers des mesures politiques prises par les différents niveaux de pouvoir. Sans combat, sans activisme, nous n’obtiendrons aucun résultat. Rendez-vous le 3 décembre, à la marche pour le climat à Bruxelles !

Sacha Dierckx
Expert, Service d'étude FGTB | Plus de publications

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