Aujourd’hui, c’est la Journée internationale de lutte contre la pauvreté. À cette occasion, la FGTB wallonne publie une analyse sur les conséquences, très concrètes, des politiques d’exclusion du chômage. Jean-François Tamellini, Secrétaire général de la FGTB wallonne, nous en parle.
C’est un jour propice à ce type d’analyse?
Effectivement, aujourd’hui, c’est la journée mondiale de lutte contre la pauvreté. Et il nous a semblé important de rappeler que les politiques d’exclusion avaient des conséquences sociales bien concrètes. On sait bien que certains responsables politiques ne sont pas gênés par les contradictions. Mais quand même : appeler à exclure des dizaines de milliers de personnes d’un côté et aller offrir des chèques à Viva for life de l’autre, il faut oser !
En fait, tout est parti des retours de terrain qu’on recevait. Dans les régionales, en formation, via nos contacts et activités, on s’est rendus compte qu’on rencontrait de plus en plus de demandeuses et demandeurs d’emploi qui n’étaient pas ou plus indemnisés par l’assurance chômage. Ils en avaient été exclus ou, au contraire, n’y avaient jamais été admis car ils ne remplissaient plus les conditions. C’est une réalité qui nous a interpellés et on a voulu aller creuser un peu, pour objectiver les choses.
Avec quels résultats ?
Les statistiques sont encore plus alarmantes que ce qu’on pensait… On a analysé l’évolution du chômage, de 2014 à 2022, au niveau wallon. C’est sur cette période que les mesures les plus dures ont été prises : dégressivité accrue des allocations de chômage, limitation dans le temps des allocations d’insertion, restrictions d’accès aux RCC (prépensions) et aux allocations d’insertion, renforcement des contrôles et sanctions, etc.
Pour quel résultat ? En 2014, en Wallonie, 8 chômeurs sur 10 étaient couverts par l’assurance chômage et 2 ne l’étaient pas, donc n’étaient pas indemnisés par l’ONEM. Ces 20% étaient les jeunes en stage d’insertion, les bénéficiaires du revenu d’intégration sociale et les personnes « inscrites librement ». Aujourd’hui, ces différentes catégories représentent le double de 2014 : ils sont plus de 40% ! Et il n‘y a plus que 59% des demandeuses et demandeurs d’emploi qui sont indemnisés par l’assurance chômage. Si ça continue comme ça, en 2026, il y aura moins de 50% de chômeurs couverts, et une majorité de personnes non couvertes.
D’aucuns prétendent que faire retrouver un emploi à ces personnes, c’est la solution pour les « activer »…
Oui, ça, c’est ce que répètent tout le temps la droite et le patronat : les sans emploi sont inactifs, trop payés et il faudrait les activer… En les appauvrissant et en les excluant. Sauf que… ça ne marche pas. En février, nous avions compilé les résultats de plusieurs études indépendantes (IRES, UCL, FOREM, etc.) qui démontraient au contraire que l’exclusion appauvrit, réduit à néant les chances d’insertion professionnelle, éloigne de l’emploi et précarise les travailleuses et travailleurs.
« L’exclusion appauvrit, réduit à néant les chances d’insertion professionnelle, éloigne de l’emploi et précarise les travailleuses et travailleurs »
— Jean-François Tamellini, Secrétaire général de la FGTB wallonne
Et c’est ce dernier aspect qui intéresse évidemment le patronat et la droite : disposer d’une armée de réserve de personnes totalement appauvries, prêtes à accepter le premier job précaire venu pour survivre. En résumé, flexibiliser le marché du travail et tirer les salaires et conditions de travail vers le bas. Et c’est pour ça que certains partis viennent maintenant avec une nouvelle horreur : limiter à 2 ans les allocations de chômage. Et encore diminuer les protections sociales pour précariser toujours plus l’emploi.
Cette limitation aurait d’importantes conséquences ?
Oui, tout à fait. En Wallonie, 66.000 personnes sont catégorisées comme « de longue durée ». Deux tiers sont isolés ou chefs de ménage. Ils ont donc de grandes chances de se retrouver au CPAS s’ils sont exclus. On a donc comptabilisé toutes ces personnes, et fait une simulation de l’impact de la mesure.
En 2014, il y avait 47.000 personnes qui percevaient le revenu d’intégration sociale. À l’heure actuelle, ils sont 70.000, ça a déjà largement augmenté. Si on limite l’assurance chômage à 2 ans, cela ferait environ 44.000 personnes au CPAS en plus, rien qu’au niveau wallon. On serait donc à 115.000 personnes, 60% en plus qu’aujourd’hui, 2 fois et demi plus qu’en 2014. Dans certains CPAS, on aurait des hausses de 200, 300, voire 400%. C’est intenable pour les CPAS et les communes, tant sur le plan financier qu’humain et matériel. Au final, une telle mesure ne ferait qu’aggraver la pauvreté et les inégalités, aussi bien sur le plan social qu’entre Régions. Et ceci alimente toujours les discours nationalistes et les forces d’extrême droite.
Plus largement, il s’agirait d’un profond bouleversement de notre modèle social, qui nous ramènerait au début du siècle dernier, en nous faisant basculer d’un système de sécurité sociale assurantielle vers une logique d’assistance.
C’est-à-dire ?
L’assurance chômage, la sécurité sociale, ce sont des droits individuels et collectifs du monde du travail. La sécurité sociale nous protège individuellement contre la pauvreté (même si pas assez). Mais elle nous protège aussi collectivement, contre la précarisation généralisée du marché de l’emploi. Un bon niveau de protection sociale, c’est l’assurance d’avoir des conditions de travail et un salaire décents. Ca évite le nivellement par le bas. Il suffit d’aller voir dans les pays où il n’y a pas de sécurité sociale : les contrats de travail, les salaires, les droits sociaux… Il n’y a rien. Pas de protection, pas de sécurité sociale. C’est toute latitude au patron, l’absolutisme patronal.
Défendre une bonne indemnisation chômage, de bonnes protections sociales, c’est défendre l’emploi… de qualité. J’ai parfois envie de poser la question aux personnes qui sont favorables à la limitation dans le temps des allocations de chômage : concrètement, vous pensez que ça va vous rapporter quoi ? C’est facile de se dire : on n’a qu’à les virer, ça va tout résoudre. Mais premièrement, il ne faut jamais dire jamais. Qui peut dire, sans aucune hésitation, qu’il ne sera jamais licencié ? Et qui peut dire que, si c’est le cas, il retrouvera tout de suite du boulot ? Mais ensuite, et surtout, vous pensez que ça va faire grimper les salaires ?
Le budget de la sécurité sociale, c’est environ 100 milliards. 40% pour les pensions, 30% pour les soins de santé, 12% pour les malades et… 6% pour l’ONEM. Et dans ces 6%, il y a aussi les crédits temps et le chômage temporaire. Le chômage complet, c’est 4%. Et le chômage de longue durée, 2%. Moins d’1% au niveau wallon.
Par contre, si on limite dans le temps et qu’on exclut des dizaines de milliers de chômeurs, on peut être certain que cela fera pression à la baisse sur les salaires et les conditions de travail. L’intérêt de tous les travailleurs et travailleuses, c’est d’avoir un bon niveau de protection sociale. Pas un appauvrissement généralisé. Exclure les chômeurs n’a jamais fait augmenter les salaires, c’est même tout le contraire !
Certains disent aussi qu’il y a des dizaines de milliers d’emplois qui ne trouvent pas preneurs…
Oui, c’est le fameux thème des pénuries. Alors, on ne va pas se mentir : sur tout marché de l’emploi, il y a des tensions. Cela existe, le nier serait ridicule. Par contre, il y a autre chose que l’on ne peut pas nier. C’est que c’est une question qui est clairement instrumentalisée : on balance qu’il y a 120.000 chômeurs de longue durée, 120.000 emplois en pénurie et on essaye de faire passer l’idée que c’est parce que les chômeuses et chômeurs seraient trop fainéants pour aller bosser. Conclusion : il n’y a qu’à tous les exclure ! Ici, on a l’exemple parfait d’un triple, voire quadruple mensonge libéral.
De un, il n’y a pas 120.000 chômeurs de longue durée mais 66.000. De deux, ils sont loin d’être inactifs : beaucoup travaillent… mais pas assez longtemps pour sortir de la catégorie « de longue durée ». Pour ça, il faut travailler 3 mois de manière ininterrompue. Une durée de plus en plus difficile à atteindre dans un marché de l’emploi qui se précarise et où l’intérim devient la norme. Rappelons aussi que toutes ces personnes sont régulièrement contrôlées au niveau de leur recherche d’emploi. Si elles ne recherchent pas activement, elles sont sanctionnées et exclues.
De trois, il n’y a pas 120.000 emplois qui attendent désespérément que quelqu’un vienne s’en emparer. 80% des offres d’emploi pour des métiers dits « en tension » sont satisfaites dans les 56 jours.
De quatre, il y a un aspect que la droite et les patrons taisent dans toutes les langues : les conditions de travail proposées ! 6 offres sur 10 publiées par le Forem pour un poste de maçon, exigent de l’expérience. Et à la clef, c’est un contrat précaire dans 77 % des cas. Les aide-familiales : 70 % des annonces exigent un véhicule personnel. Les CDI représentent seulement 25 % des offres en Wallonie contre 64 % à Bruxelles et 82 % en Flandre. La seule solution, c’est d’améliorer la qualité des conditions de travail proposées pour rendre celui-ci plus attractif.
Cela suffira-t-il à régler le chômage de masse ?
Non, bien sûr, il y a d’autres moyens : mieux coordonner la formation entre les structures du préqualifiant, du qualifiant et de l’insertion, en donnant au FOREM le rôle d’ensemblier. Ou encore en ciblant mieux les 450 millions d’aides publiques wallonnes à l’emploi où il y a actuellement beaucoup d’effets d’aubaine. Elles doivent davantage cibler les chômeuses et chômeurs dits « de longue durée ». Cela passe aussi par des politiques positives, d’accompagnement non répressif des demandeuses et demandeurs d’emploi, comme le modèle des cellules de reconversion ou de Coup de Boost.
Enfin, on ne pourra pas faire l’impasse sur la grande absente des débats actuels : la création d’emplois ! La réduction collective du temps de travail – avec maintien du salaire et embauche compensatoire – nous permettrait par exemple de sortir, enfin et durablement, du chômage de masse que nous connaissons et subissons depuis trop longtemps.
Pour plus d’infos, consultez le dossier de la FGTB wallonne ici.
Bonjour,
à tout cela viennent s’ajouter « le statut cohabitant » qui empeche toute personne qi a un revenu de remplacement d’être « indépendante » financièrement, car même en payant la moitié du loyer et des factures mensuelles nécessaires (énergies, …), avec le coût de l’alimentation et des soins de santé qui, en 2023 (et non en 1960) ne sont plus « payés » par le « chef de ménage » (qui n’a souvent plus du tout de « relation intime » avec le(s) cohabitant(s) ) dans facile 80% des « ménages »/foyers, c’est impossible de « mettre de coté », d’avoir des « loisirs », de faire du sport (sans être tout seul dans son salon), bref de répondre aux 3 marches supérieurs des besoins Maslow.
Des absurdités comme : si vous vous retrouvez en incapacité de travail de longue durée, en invalidité, avec une maladie chronique ou un handicap, vous percevez 60% de votre dernier revenu « salarié »… vous mangez toujours autant, le loyer coute toujours le même prix voir plus avec l’indexation, les factures énergies et télécom augmentent et ne diminuent jamais,… Et vous avez tous ça de frais médicaux et para-médicaux… donc en fait, pour vivre dignement, il faudrait faire l’inverse : dernier salaire + un bon 15-20% pour répondre à ces dépenses indispensable pour la santé et la survie de l’individu…
Ma conviction est qu’il n’y a pas une réelle intention de gérer et amenuiser les discriminations sociales en Belgique.
ça pue bien plus l’intention bien cachée de se défaire de la classe moyenne par tous les moyens afin d’avoir une maitrise absolue sur la grosse majorité de la population et que les citoyens, tous en mode « survie », acceptent tous ce qu’on leur impose (sans avoir de quoi se permettre de faire grève, de manifester,… car c’est un jour sans salaire bien souvent…)
Aussi, il y a les « oubliés » des rares rustines positives, par exemple, je suis en Règlement collectif de dettes à cause de soins de santé non pris en charge par l’INAMI (apparemment manger des aliments solides et pas crever d’anémie, c’est du luxe) : l’indexation du salaire, je ne l’ai pas vu avec mon pécule tout juste calculé, le décompte annuel de l’électricité et du gaz dépend du relevé « officiel » de sibelga (fait une fois l’an), ayant été obligée de passer en contrat variable en juin 2022, impossible de « deviner » à combien s’élèvera la douloureuse annuelle, mais je suis censée ne pas « faire de nouvelle dette »,… (y’a pas de jurisprudence existante…), avec mes problèmes de santé, dont les intestins complètement boussilés, quand je m’alimente de produits de grande surface voire de hard-discount, ma santé décline, je souffre, j’ai mal,… mais difficile de se nourrir bio-local-sain avec la part « alimentation » hyper strictement jugée et limitée dans le budget de médiation,…
Et tous ce qui est vie sociale, loisirs et sport, tous les 3 hyper nécessaires et hautement conseillés par mon médecin traitant et mon psy, sont tout simplement Impossible à obtenir car beaucoup trop chers. (aller boire un verre en ville avec une amie : 1 bière = 5 euros… et hop! 10 euros minimum de parti, suivre des cours de danse : abonement saisonnier obligatoire : hop! 245 euros à trouver et payer en une seule fois, un quelconque hobby artistique : faut du matériel de base pour s’exprimer… et hop XX euros qu’on a toujours pas)
Entre la réalité sur le terrain des gens et les décisions des bien nantis du gouvernement, y’a une sévère Très sévère Différence… et les absurdités, contradictions et illogismes ne sont pas que des « paroles » pour les gens qui vivent ces situations, c’est des Grosses atteintes à une vie « digne ».
Bravo, vous avez analisée la réalité du terrain, pas comme c’est politicien qui décide pour nous, alors que beaucoup son aisée et preine pour nous des décisions sans connaitre la réalité réel de vie.
merci à vous.
Aussi, Quand va t’on donner des prime à l’embauche en temps partiel ? Quand va t’on arrêter de vouloir que tout le monde travail en temps plein alors que ce n’est pas possible pour tout le monde ? quand va t’on arrêter de punir des mamans (car c’est toujours 75% du temps les femmes qui trinquent encore) de foyer monoparental qui ne Savent pas prendre un temps plein ? quand va t’on reconnaitre le boulot immense que c’est d’être Maman ?
Quand va t’on, au niveau des preneurs de décisions, se rendre compte que les factures mensuelles nécessaires ainsi que le loyer (les dépenses Fixes) de dégraissent pas dans le temps et que donc, avoir un revenu de remplacement comme l’allocation de chômage qui diminue dans le temps, ça ne Peut PAS fonctionner ! C’est la double punition pour toutes ces personnes : encore moins de possibilité d’avoir une vie digne et 200% sûr de finir en faillite personnelle car à un moment le revenu ne suffit plus pour répondre aux dépenses de Base,…
Ah oui! et on fait quoi avec tout ça de « travailleurs » en temps partiels comme moi qui aimeraient bien suivre une formation mais ne touchent à peine plus que s’ils étaient sous le revenu de remplacement et doivent payer le prix Fort et complet pour suivre une formation, en temps partiel, rarement la formation est prise en charge par l’employeur… Des années que je voudrais me former en « payroll » mais je n’ai ni le pognon, ni l’appui de mes employeurs en temps partiel… Donc DTC de se former, de se reconvertir, de s’épanouir,…
Et les ALE qui ont une dispense (33 % ou plus d’incapacité) ? Si on leur supprime le chomâge, on leur supprime également leur travail car ils ne seront plus dans les conditions.
Avec 66% d’incapacité, on a le droit à rien d’autre tant qu’on a le chomage.
Il y a une solution que le MR refuse catetegoriquement et exclue c’est de taxer les plus riches.
Ils préfèrent exclure les chômeurs diminuer les pensions et plonger la Belgique dans le ko totale.
C’est radier la classe sociale et faire prospérer les riches.nos parents se sont battu pour que nous soyons respecter.et avoir nos droit.
J’ai travaillé 20 ans puis faillites en 2015 et puis intérim jusqu’à maintenant et depuis cette année on ne m’appelle que très peu que quelques jours.toujours en remplacement.pas de contrat.
Maintenant je travaille par ALE j’ai 53 ans
Et on trouve plus de travail à cet âge