Les travailleurs de chez Grains Noirs, entreprise bruxelloise de plats préparés à destination des supermarchés, entament aujourd’hui leur cinquième journée de grève. Ce, suite au licenciement de huit travailleurs en CDI. Sur le piquet de grève, les délégués syndicaux d’Horval témoignent.
Rétroacte
Le jeudi 2 février dernier, la direction de Grains Noirs convoque un conseil extraordinaire pour annoncer unilatéralement le licenciement de huit travailleurs en contrat fixe. L’entreprise emploie environ 65 personnes. Pour les travailleurs, l’annonce est soudaine. Violente. Ils décident immédiatement d’un arrêt de travail, pour protester contre la décision. Ils accepteront finalement de reprendre le travail dès le vendredi, après que la direction ait accepté qu’un dialogue social puisse avoir lieu, dès le lundi suivant.
« Silence radio »
Mais ce jour-là, les travailleurs se mettent cette fois en grève pour de bon. Miloud, délégué Horval, explique : « Les travailleurs sont toujours restés ouverts au dialogue pour trouver des solutions. Nous, les délégués, avions réussi à convaincre l’équipe de reprendre le travail, à condition que la concertation reprenne le lundi suivant. On a donc envoyé un mail à la direction. En demandant certaines informations pour préparer la réunion du lundi, comme les réels motifs de licenciement. Notre mail était clair : la reprise du travail n’était que temporaire et la direction devait nous apporter des réponses. Mais le week-end passe… et c’est silence radio. Les travailleurs n’ont pas accepté cela ».
La direction campe sur ses positions
Depuis lundi, plusieurs contacts ont eu lieu entre la direction de Grains Noirs et les organisations syndicales pour essayer de reprendre la concertation sociale, en vain. L’entreprise campe sur ses positions : elle ne reviendra pas sur sa décision et refuse de trouver des solutions alternatives.
Eric Crokaert, Secrétaire régional FGTB Horval : « L’employeur n’a pas la volonté d’aller chercher d’autres solutions que le licenciement. Pourtant ce n’est pas en licenciant des gens qu’on va pérenniser l’entreprise. Quelles sont les garanties que Grains Noirs ne va pas encore licencier dans quelques mois ? La question a été posée à l’employeur, il n’a pas répondu… La stratégie semble claire : on licencie et on fait appel à des intérimaires ou des saisonniers pour diminuer le coût salarial. Il faut que l’employeur sorte de cette logique purement mathématique. Les travailleurs ont droit au respect ».
Latifa, licenciée du jour au lendemain
Latifa, 53 ans, travaille chez Grains Noirs depuis bientôt 20 ans. Les huit (!) premières années comme intérimaire avec des contrats journaliers successifs, avant d’obtenir un contrat fixe. Le 2 février dernier, un quart d’heure avant la fin de son service, elle apprend son licenciement. « J’étais en maladie depuis plusieurs mois à cause de tendinites. C’est l’entreprise qui m’avait poussée à l’époque de me mettre sous la mutuelle, car ça impactait mon travail. Je suis revenue travailler le 1er février. Le lendemain, on m’a mise à la porte. On m’a dit que je faisais trop de maladies… à cause de tendinites que j’ai développées en travaillant ici… »
On m’a dit que je faisais trop de maladies… à cause de tendinites que j’ai développées en travaillant ici…
– Latifa, presque 20 ans de service, dont huit en contrats intérims journaliers.
Aucun des travailleurs licenciés n’a reçu de réelles explications. La direction n’a pas pris la peine de les recevoir pour en discuter plus longuement. L’annonce s’est faite sans état d’âme.
Travail intérimaire et précarité
La question de la précarité du travail chez Grains Noirs se pose réellement. La stratégie de l’entreprise de favoriser la flexibilité et le travail intérimaire ne date pas de hier, comme nous démontre la situation de Latifa. Les intérimaires actuels de l’entreprise sont d’ailleurs encore soumis à des contrats journaliers successifs, dont la FGTB condamne l’utilisation abusive.
Mounir, délégué Horval, témoigne : « C’est une mentalité qui remonte à l’esclavage. Le directeur veut instaurer un système de travailleurs intérimaires et donc de précarité. Il s’en fout de l’ancienneté, du savoir-faire. Pendant la pandémie, les gens ont fait l’effort de continuer à travailler pour faire tourner l’entreprise. Et deux de nos collègues sont morts ».
Son collègue Hicham confirme la politique de l’entreprise : « La politique de Grains Noirs, c’est réduire la charge salariale et le personnel. Le directeur veut remodeler l’entreprise à sa manière, sans inclure les travailleurs dans la stratégie ».
Des travailleurs soudés
Si les travailleurs de Grains Noirs restent ouverts au dialogue, il est pour eux hors de question de reprendre le travail sans la réintégration de leurs collègues. Abdel, délégué Horval : « La direction doit changer sa politique, sa manière de voir les choses. On est tous des anciens ici. C’est nous qui créons la richesse, c’est nous qui avons tenu l’entreprise pendant le COVID. On doit réintégrer ces personnes, et après on pourra négocier, trouver des solutions ».
La FGTB Horval salue leur courage et leur détermination, et se tient prête à les soutenir jusqu’au bout de leur combat. Merci à Abdel, Miloud, Mounir, Hicham et Latifa pour leur témoignages.