« Pour que le 8 mai ne soit pas une note en bas de page »

« Pour que le 8 mai ne soit pas une note en bas de page »

Dimanche 4 mai, nous étions au Fort de Breendonk, à Willebroek en province d’Anvers. Un lieu qui servit, de 1940 à 1944 sous occupation nazie, de camp de détention et de transit pour des milliers de personnes. Parmi elles, de nombreux résistants et opposants politiques. Enfermement, torture… Beaucoup n’y ont pas survécu. D’autres ont, de là, été déportés ailleurs, vers des camps de concentration ou d’extermination.

Le 8 mai 1945 marquait la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe, la victoire sur le nazisme, la libération des camps, le retour de la paix après l’horreur. Chaque année, ici, à Breendonk, on se souvient. Ce dimanche, avec quelques jours d’avance, c’était la commémoration organisée par la Coalition 8 mai. Un moment empreint de mémoire et de respect, mais aussi d’une forte détermination. Le combat, en effet, continue, au quotidien. Car si le devoir de mémoire reste essentiel, il est tout aussi important de faire des liens avec le présent, à une époque où l’extrême droite reprend une place inquiétante dans le débat public et l’espace politique. Une extrême droite qui a peut-être changé de visage, mais pas d’idéologie.

« La vie est belle »

Sur scène cette année encore, Simon Gronowski. Survivant de la Shoah, il marque les esprits par sa présence et son engagement. À 93 ans, il continue de partager son histoire poignante : en 1943, à l’âge de 11 ans, il s’est échappé du convoi numéro 20, en sautant d’un train en route vers Auschwitz, grâce à l’aide de sa mère et d’un groupe de résistants. Aujourd’hui, il consacre sa vie à témoigner des horreurs du nazisme et à promouvoir la paix et la tolérance. « La vie est belle, mais c’est un combat de tous les jours. Il faut se battre contre le fascisme, le nazisme, l’extrême droite, et la haine. L’extrême droite relève la tête. Il y a aujourd’hui des peuples qui souffrent. Mais malgré les événements tragiques du passé et d’aujourd’hui, je garde la foi en l’avenir, car je crois en la bonté humaine. Vive la paix et vive l’amitié entre les Hommes. »

Refaire du 8 mai un jour férié légal

En Belgique, le 8 mai a été jour férié jusqu’en 1974 dans les écoles et les administrations. La Coalition 8 mai revendique que cette date redevienne un jour férié officiel. Non pas un jour de repos parmi d’autres, mais un jour pour réfléchir, pour transmettre, pour éduquer. Un jour de conscience collective.

Ellen De Soete, fille de résistante et fondatrice de la Coalition 8 mai, en parle. « Aujourd’hui, j’ai trois voeux: que le 8 mai devienne un jour férié payé, pour toutes et tous. Que chaque école donne à un réfectoire, une classe, un auditoire le nom d’un ou d’une membre de la résistance locale. Enfin, que chaque ville ou commune se déclare ‘ville antifascist’, pour que le cordon sanitaire soit rétabli et maintenu. »

Non à l’oubli

Se souvenir et transmettre, c’est bâtir un rempart contre l’oubli, contre la banalisation de l’intolérance, du racisme, des discours de haine. Le Fort de Breendonk nous rappelle que l’Histoire n’est pas si ancienne, et qu’elle se répète, ailleurs. Aujourd’hui encore, les guerres et le fascisme tuent partout dans le monde. L’extrême droite pousse comme une mauvaise herbe, au plus près de nous. Que faisons-nous?

Bert Engelaar, Secrétaire général de la FGTB, a interpellé le monde politique. « Les murs ici respirent encore. Ils soupirent. Ils se taisent. Et ce silence… est assourdissant. C’est pourquoi je m’adresse aujourd’hui – depuis Breendonk – à notre gouvernement. La Belgique ne peut pas être un pays qui commémore en mai, et se tait en juin. Un pays qui honore les morts, mais abandonne les vivants. Je vous demande : où vous situez-vous ? Où se situe la Belgique quand des hôpitaux sont bombardés ? Quand des millions de personnes fuient la guerre ? Quand des enfants perdent leurs parents au nom de la ‘sécurité’ ? Le message du 8 mai est clair : Se taire, c’est être complice. »

Et de conclure: « Faites du 8 mai un jour férié légal et payé en Belgique. Pas pour se détendre. Mais pour se souvenir. Pour prendre conscience. Pour se rassembler. Que le 8 mai ne soit pas une note en bas de page. »

La Belgique ne peut pas être un pays qui commémore en mai, et se tait en juin.

Bert Engelaar


📌 Qu’est-ce que la Coalition 8 mai ?

La Coalition 8 mai est un collectif d’organisations issues du monde syndical, associatif, culturel, académique et politique. Elle s’est constituée pour rappeler l’importance du 8 mai comme symbole de la victoire sur le fascisme et la défense des valeurs démocratiques. La Coalition milite pour que cette date redevienne un jour férié officiel en Belgique et pour que la mémoire de la Résistance, des luttes contre le nazisme et pour la liberté, soit activement transmise aux générations futures.

Aurélie Vandecasteele
Rédactrice en chef, Syndicats Magazine, FGTB |  Plus de publications

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