­­­Les promesses vaines du gouvernement De Wever

­­­Les promesses vaines du gouvernement De Wever

Une papier de Sacha Dierckx, conseiller du service d’étude de la FGTB, publié sur le site Sampol.

Le gouvernement De Wever est à peine en fonction depuis six mois qu’il est déjà clair qu’il ne tiendra pas sa principale promesse : redresser les finances publiques et, en même temps, renforcer le pouvoir d’achat des travailleurs.

« Notre situation budgétaire est préoccupante. La pression fiscale sur les actifs est trop élevée ». L’accord de coalition Arizona dresse d’emblée le tableau. Après des années de « mauvaise gestion », le gouvernement allait « mettre de l’ordre » avec deux promesses majeures : « redresser » les finances publiques et renforcer le pouvoir d’achat des travailleurs. Deux priorités déjà émoussées alors que le gouvernement n’est même pas encore en place depuis six mois.

L’intention de remettre de l’ordre dans le budget surtout, frise le ridicule. Le travail budgétaire de l’Arizona est critiqué de toutes parts. Tout d’abord, le gouvernement lui-même affirme maintenant que le déficit budgétaire sera encore de 3,7 % du PIB en 2029, à la fin de la législature.

Mais c’est sans doute encore une énorme sous-estimation. De la gauche à la droite, de la Cour des comptes à la Banque nationale, de Gert Peersman à Paul De Grauwe, tous les acteurs (ou presque ) qui ne font pas partie du gouvernement De Wever s’accordent à dire que l’évaluation faite par le gouvernement des prétendus « effets de retour » de ses réformes est beaucoup trop optimiste.

Le gouvernement se montre en outre trop enthousiaste par rapport à de nombreuses mesures. Ainsi, avec la limitation des allocations de chômage dans le temps, un tiers des chômeurs retrouverait du travail, un tiers bénéficierait du revenu d’intégration et un tiers disparaîtrait des statistiques. Mais cette estimation est basée sur une étude de 2009 portant sur des profils très différents des chômeurs de longue durée, et est donc probablement trop optimiste. Même son de cloche en ce qui concerne  les discussions sur la taxe sur les plus-values. Après l’Inspection des finances, c’est le ministre du Budget Vincent Van Peteghem qui a recalé la première proposition du ministre des Finances Jan Jambon. En effet, les premières années, les recettes seraient… négatives parce que les mesures coïncident avec la suppression de certains autres impôts sur le capital.

En soi, un déficit de 3,7 % en 2029 n’est pas nécessairement problématique. Un déficit budgétaire n’est pas une catastrophe, et une grande partie de la rhétorique sur la politique fiscale et la dette publique est basée sur des mythes et des dogmes. Sans oublier, d’autre part, qu’il y a toujours une grande différence entre ce que le gouvernement dit poursuivre et la réalité. Ceci est important pour au moins trois raisons.

Premièrement : les lourdes mesures d’économies du gouvernement qui toucheront de plein fouet les chômeurs, les malades, les réfugiés, les bénéficiaires du revenu d’intégration, les pensionnés, les fonctionnaires, la coopération au développement et les services publics sont justifiées par la « nécessité » de se serrer la ceinture. Il n’y a pas d’alternative, entend-on constamment. Mais si le travail budgétaire du gouvernement est bâclé, ces lourdes coupes budgétaires perdront toute légitimité. Surtout lorsque l’on voit le gouvernement débloquer des milliards pour se procurer du matériel de guerre et faire des cadeaux supplémentaires aux entreprises belges pour un montant d’environ 1,7 milliard d’euros par an d’ici 2029.

Deuxièmement : le phénomène n’est pas nouveau. Au contraire, les partis et les gouvernements de droite manquent souvent de rigueur budgétaire. Ceci est important  car en faisant croire que la droite est plus économe, on développe l’idée fixe que la forte augmentation des dépenses publiques est responsable du déficit budgétaire.

En 2023, les dépenses publiques (53,3 % du PIB) affichaient pourtant à peu près le même niveau qu’il y a 30 ans, et étaient même inférieures au niveau affiché à l’entrée en fonction du gouvernement Di Rupo (55,0 %) en 2011 et du gouvernement Michel (55,4 %) en 2014, malgré des besoins plus grands, la crise du coronavirus et des prix de l’énergie qui ont suivi. D’autre part, les impôts et les cotisations sociales sont passés de 44,5 % du PIB en 1996 à 41,8 % en 2023. Cette évolution est en partie due au « tax shift » du gouvernement Michel, qui a fait diminuer les cotisations sociales de 14,5 % du PIB en 2014 à 13,3 % en 2024, malgré une augmentation du taux d’emploi de cinq points de pourcent sur cette même période.

Troisièmement : dans ce contexte, on peut sérieusement remettre en question l’augmentation de la quotité exemptée d’impôt pour les actifs, présentée par le gouvernement comme LE moyen d’augmenter le pouvoir d’achat de la population active. Outre le fait que cette réforme n’est en grande partie prévue que pour 2029 – si tant est qu’elle soit effectivement appliquée, dans un contexte budgétaire qui se dégrade – et que ce sont les hauts revenus qui en bénéficieront le plus, cette réduction d’impôt creusera davantage le déficit budgétaire.

Les réductions d’impôts et l’augmentation des dépenses pour la Défense rappellent les « Reaganomics », les politiques économiques du président néolibéral américain Ronald Reagan. Le résultat sera le même : un déficit budgétaire plus élevé. Cela renforcera évidemment les appels à de nouvelles économies dans la protection sociale et les services publics à l’avenir. Cette stratégie porte un nom : « starve the beast » ou « affamer la bête ». Et bien sûr, les économies seront de nouveau réalisées sur le dos des travailleurs.

Pour réduire simultanément les déficits budgétaires et renforcer le pouvoir d’achat des travailleurs et travailleuses, il n’y a en réalité que deux options. Une réforme fiscale qui imposerait beaucoup plus lourdement les grosses fortunes (une option qui bénéficie d’un large soutien public, y compris parmi les électeurs de la N-VA) et qui réduirait les privilèges fiscaux des Belges les plus fortunés. Ou une réforme de la loi sur la norme salariale qui permettrait d’accorder une plus grande part du gâteau aux travailleurs. Dans les deux cas, le résultat sera une redistribution du capital vers le travail.

Sans cette redistribution, les promesses du gouvernement De Wever resteront lettre morte. L’ Arizona n’est peut-être pas par hasard l’État du Grand Canyon, vu le fossé entre les promesses du gouvernement et la réalité.

Sacha Dierckx
Expert, Service d'étude FGTB |  Plus de publications

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