Embouteillage monstre – et piéton – ce lundi midi, place Poelaert à Bruxelles. Il faut dire que l’on ne s’attendait pas à autant de monde au pied du Palais de Justice. Des quelques milliers annoncés, l’on arrivait à un décompte d’environ 34 000 manifestants, toutes banderoles dehors, pour revendiquer des pensions dignes.
La manifestation organisée en front commun syndical s’élançait depuis la Gare Centrale. Malgré la grève en cours au niveau des chemins de fers, la mobilisation a été massive. Une foule impressionnante, faite de travailleuses et travailleurs venus de toutes les régions du pays, a crié son dégoût face aux attaques de la droite. Pancartes et banderoles revendiquaient la même chose: des pensions dignes pour toutes et tous, et du respect pour le travail fourni.
Les travailleuses en première ligne
Enseignement, distribution, titres-services, pompiers. Travailleurs et travailleuses du privé comme du public ont donné de la voix. Plusieurs témoignages de travailleurs issus de différents secteurs ont été mis en avant pour illustrer les réalités quotidiennes et les craintes liées aux réformes envisagées. Le terme de « périodes assimilées » – soit les interruptions de travail (chômage, maladie, maternité, etc.) reconnues et comptabilisées comme périodes de travail pour le calcul des pensions – est notamment sorti plusieurs fois, et pour cause. Y toucher, c’est réduire les droits à la pension pour de nombreuses personnes, dont beaucoup de femmes.
Francesca témoigne sur scène: « J’ai commencé en 1988, dans le secteur de la grande distribution. J’ai maintenant 56 ans. J’ai droit à une pension anticipée à 62 ans. Même si je sais qu’elle me pénalisera financièrement, je l’envisage sérieusement, au vu des conditions de travail et du stress actuel. Nous, les femmes sommes nombreuses à travailler à temps partiel. Un temps partiel subi et non choisi! Les horaires variables qui sont la norme dans le secteur nous empêchent de prendre un autre emploi pour atteindre un équivalent temps plein. J’ai dû, pour ma part, attendre 32 ans pour obtenir un temps plein! La pénibilité du métier cause de nombreuses maladies dans la distribution. En bref, les attaques aux périodes assimilées nous pénaliseront à tout niveau! »
« Les attaques aux périodes assimilées nous pénaliseront à tout niveau! »
— Francesca, déléguée SETCa
« 40% des travailleuses de ce pays risquent de passer à côté de la pension minimum si ces mesures devaient voir le jour. Ce sont les femmes, à temps partiel, qui vont payer la note. J’ai envie de dire: comme d’habitude. »
Thierry Bodson
Et toi, Bart?
Retraite à 67 ans, pénibilité des métiers non prise en compte, pensions trop basses, autant d’éléments qui suscitent la colère des manifestants. « Et toi, Bart? » « Deviens enseignant! », pouvait-on lire sur des panneaux caricaturant certains politiciens de droite. Des enseignants venus particulièrement nombreux. Kevin est l’un d’entre eux, et a pris la parole au nom de ses collègues. « Travailler jusqu’à 67 ans, avec 20 enfants en classe, ce n’est tout simplement pas faisable », a-t-il déclaré. « Nous avons déjà dû subir économies après économies. Les enseignants méritent d’être applaudis tous les jours, mais au lieu de cela, on veut nous priver d’une grande partie de notre pension à la fin de notre carrière ».
« On est à chaque fois plus nombreux que ce qu’on imaginait au départ« , indique Thierry Bodson, président de la FGTB. « Aujourd’hui, on parle des pensions et on ne peut que remercier tous les travailleurs qui sont venus témoigner. Il faut rappeler que si on ne veut pas de carrières plus longues, ce n’est pas parce qu’on n’aime pas travailler, ou qu’on n’aime pas notre job! Mais pour bien faire son travail, il ne faut pas devoir le faire trop longtemps. Il est temps de respecter le monde du travail. »
Rendez-vous dans un mois
« Les fonctionnaires sont particulièrement visés par les mesures qui sont sur la table. Pourtant ce ne sont pas leurs pensions qui sont trop hautes… Ce sont celles du privé qui sont trop basses. »
Thierry Bodson
Dans un mois, le 13 février, une autre manifestation est prévue à Bruxelles, pour défendre les services publics et leur place dans notre société. Thierry Bodson: « D’ici là, une déclaration gouvernementale aura peut-être vu le jour, avec son lot d’horreurs et d’attaques envers le pouvoir d’achat, la protection sociale, les conditions de travail. Mais aussi contre les syndicats, les corps intermédiaires. Bref contre la démocratie. Dès que nous prendrons connaissance de cet accord de gouvernement, nous réunirons un comité fédéral pour décider, après le 13 février, de passer à la vitesse supérieure. Et que ce soit clair, la vitesse supérieure, cela peut être une grève générale. Si rien ne change, c’est vers cela qu’on ira.«
« La vitesse supérieure, cela peut être une grève générale. Si rien ne change, c’est vers cela qu’on ira. »
— Thierry Bodson, Président de la FGTB