Dans un récent communiqué, la Confédération Européenne des Syndicats (CES – ETUC) alertait sur la perte de 853 000 emplois dans l’industrie manufacturière en Europe entre 2019 et 2023. Pourtant, dans la même période, la crise du Corona, la guerre en Ukraine et le protectionnisme aux Etats-Unis ont clairement mis en évidence la vulnérabilité de l’économie européenne et la nécessité de renforcer l’industrie. Cherchez l’erreur…
Une contribution de la Centrale générale – FGTB
La désindustrialisation se traduit par une réduction progressive de la part de l’industrie dans la richesse produite par un pays, une région ou une ville. Elle est liée à la mondialisation et est en cours depuis plusieurs décennies dans les pays dits « avancés ». Elle a débuté dans ces pays dans les années 70.
Plus de services, moins d’industrie
Progressivement, de moins en moins d’emplois sont occupés dans les industries et, inversement, de plus en plus dans les services. Ce phénomène est appelé la tertiarisation de l’économie, c’est-à-dire le développement des activités de services tels que le commerce, le transport, l’immobilier, les finances, l’information, l’informatisation, le tourisme, la publicité… À tel point que l’on parle d’économie postindustrielle.
Il est important de noter que cette désindustrialisation ne s’est pas produite partout au même moment, ni avec la même intensité. Par exemple, le déclin a commencé plus tôt au Royaume-Uni et a été globalement plus fort dans les pays anglo-saxons. En Allemagne, cela s’est produit au cours des années 90 suite à la réunification…
Parallèlement, les politiques de soutien face au déclin industriel et aux pertes d’emploi n’ont pas été à la hauteur des enjeux durant les années 80-90…
Compétitivité intra européenne
Au niveau européen, un « cœur industriel » s’est formé et concentré géographiquement avec les pays entrés dans l’Union relativement récemment (2004, 2007). Nous – citoyens, travailleurs, et syndicats – avons assisté à une véritable guerre de compétitivité interne à l’Union Européenne. Pour ne citer qu’un exemple, la Tchéquie dans le secteur verrier notamment, AGC y a ouvert des sites et la Belgique a perdu des emplois au profit des Tchèques où les coûts de production sont plus bas.
Il est très regrettable de constater que les chiffres de perte d’emplois dans l’industrie pointés par la CES durant la période 2019-2023 concernent surtout la Pologne, la Roumanie, la Bulgarie, la Tchéquie, la Slovaquie… c’est-à-dire des pays qui sont « récemment » entrés dans l’UE et se sont industrialisés.
Le phénomène de désindustrialisation s’est encore accentué depuis le début des années 2000 avec l’émergence de la Chine comme « usine du monde ».
Globalement, on peut y voir un signe de déclin face à la concurrence des pays émergents, ou récemment émergés, et un risque de stagnation de nos pays européens très, voire trop, focalisés sur une économie basée sur les services.
Les causes de la désindustrialisation
La désindustrialisation a plusieurs causes, dont notamment : la disparition d’activités obsolètes, la réduction de la demande de biens industriels au profit de la consommation de services, l’automatisation… Et notons que certaines de ces raisons résultent de changements techniques et sont clairement synonymes de progrès pour les travailleurs.
En outre, la désindustrialisation entraîne son lot de délocalisations et met en évidence les de divergences d’intérêts entre travailleurs et consommateurs.
Et comme trop souvent, il faut attendre des crises majeures, comme la pandémie de COVID-19, la guerre en Ukraine et le protectionnisme aux États-Unis (Inflation Reduction Act en 2023), pour que l’Europe prenne trop tardivement et encore hypothétiquement conscience des enjeux d’une politique de réindustrialisation.
Ces crises ont en tout cas mis en évidence la vulnérabilité de l’économie européenne (masques lors du covid, puces électroniques,…) et la nécessité de renforcer l’industrie.