« Vous n’êtes pas d’accord avec votre patron, le gouvernement ou un groupe d’intérêts ? Vous cherchez alors d’autres personnes qui partagent votre avis et faites entendre haut et fort votre voix. Ceci semble être l’évidence-même. Mais ça ne l’est pas. Suivez-nous au Pérou, au Zimbabwe et au Royaume-Uni et vous constaterez qu’il est de plus en plus difficile de se battre pour ses droits fondamentaux.«
Un billet proposé par l’organisation FOS / Copyright photo FTCCP
La Confédération syndicale internationale (CSI) l’avait déjà relevé en juin 2022. Il ressort en effet du dernier Global Rights Index que le nombre de violations des droits humains et du travail bat de tristes records. La CSI fait état d’une « démocratie en crise ». Les développements récents dans le monde entier semblent effectivement confirmer cette tendance. Ci-après, les événements récents au Pérou, au Zimbabwe, au Royaume-Uni.
Coup d’état de la droite au Pérou
Le Pérou, en Amérique du Sud, avait à sa tête le président Pedro Castillo jusqu’au 7 décembre dernier. C’était un homme politique « à part » : enseignant, issu de communautés indigènes et des zones rurales. Pour nombre de ses concitoyens, il était une lueur d’espoir dans un paysage politique terni par les différentes crises. Mais pour l’élite – généralement blanche et de droite – du pays, son élection était dérangeante. Cette même élite a tout mis en œuvre pour faire tomber le gouvernement.
Le 7 décembre, l’occasion tant attendue s’est présentée. Le président Castillo menace alors de dissoudre le Parlement qui lui tient tête, mais sans toutefois pouvoir compter sur un grand soutien. Les groupes politiques de droite au Parlement votent la destitution du président et désignent la vice-présidente Dina Boluarte pour lui succéder. Il est intéressant de noter que Dina Boluarte avait été impliquée dans une affaire de diffamation et accusée de corruption. Des accusations classées sans suite quelques jours avant la destitution de Castillo. Depuis, le gouvernement de Boluarte est composé de techniciens néolibéraux, confirmés dans leur fonction par le Parlement.
La goutte de trop
Au Pérou, depuis longtemps, les « simples » citoyens avaient le sentiment de ne pas être entendus. La destitution et l’arrestation de Castillo, un président élu démocratiquement, a été la goutte de trop. Dans tout le pays, et surtout dans le sud du pays, la population est descendue dans la rue pour réclamer de nouvelles élections. Cette protestation pacifique est réprimée par la police et l’armée, qui n’hésitent pas à faire usage de la violence. Plus de 60 personnes ont trouvé la mort selon les chiffres officiels. Probablement bien plus en réalité.
Violence d’Etat
Luis Villanueva Carbajal, Secrétaire général du syndicat de la construction renvoie à un récent rapport d’une coalition d’organisations péruviennes de défense des droits de l’homme. « La coalition y décrit l’utilisation d’armes AKM (de la police) et GALIL (de l’armée) contre la population, des exécutions illégales, des actes de torture et des viols multiples dans les bureaux de police, la falsification de preuves et des accusations infondées de terrorisme. » La coalition constate qu’il ne s’agit pas de faits isolés, mais plutôt d’une politique de l’Etat, avec un cadre juridique ad hoc, pour que les opposants puissent être pénalement poursuivis.
Luis Villanueva Carbajal appelle donc à un combat commun : « Fidèles à leur passé, la construction et toutes les articulations du CGTP (organisation syndicale coupole, réd.) ont convenu de mobiliser ensemble le Parlement contre la dictature jusqu’à ce que la démocratie soit rétablie. »
Zimbabwe: l’espace démocratique disparaît peu avant les élections
Penchons-nous maintenant sur la situation au Zimbabwe. Dans ce pays, la répression règne depuis un certain temps déjà, d’abord sous l’élite blanche, ensuite avec le dictateur Robert Mugabe. Après le départ de Mugabe, le Zimbabwe a franchi quelques étapes – laborieuses – vers la démocratie. Mais le recul a été rapide. Aujourd’hui, deux nouvelles lois rendent toute forme de protestation impossible.
La première est le Health services Amendment Act. La loi interdit aux travailleurs de services essentiels, comme les prestataires de soins, de faire grève plus de trois jours. Le but est ici clairement de saper les actions de grève de grande envergure dans le secteur des soins de santé, et d’autres secteurs. Plutôt que de s’atteler à améliorer les conditions de travail et à une économie saine, le parti au pouvoir ZANU PF préfère jouer la carte d’une politique sévère. Ceci, au détriment de la santé des citoyens. De nombreux travailleurs de la santé ont déjà quitté le pays, à la recherche de meilleures conditions de travail. Beaucoup d’autres suivront sans doute encore.
Loi « patriotique »
Un deuxième texte, le « Criminal Law Code Amendment Bill », ou Patriot Bill, va encore plus loin. Ce projet de loi interdit aux personnes et aux organisations de tenir quelque propos que ce soit qui ait une teneur « antipatriotique » sur le Zimbabwe. Cette notion est interprétée très largement, et sujette à différentes interprétations. Florence Taruvinga, présidente de la coupole syndicale ZCTU explique : « Le Criminal Law Amendment Bill interdit aux habitants du Zimbabwe d’évoquer, avec des gouvernements étrangers, la situation dans le pays. » De nombreuses organisations de la société civile zimbabwéennes dépendent du soutien de l’étranger. Si le projet de loi est approuvé, ceci aura donc d’importantes conséquences pour leur fonctionnement.
Les choses ne s’arrêtent d’ailleurs pas là. Le Parlement zimbabwéen se penche également sur d’autres projets de loi relatifs à la cybersécurité et la protection des données et aux organisations spéciales de bénévoles. Florence Taruvinga dépeint l’ambiance terrible qui règne dans le pays: « Les lois répressives restent en vigueur. La police et les autres services d’ordre continuent à s’immiscer dans toutes les activités syndicales. Les dirigeants syndicaux sont menacés. ». Les nouvelles lois devraient limiter davantage encore la marge de manœuvre de la société civile, restreindre la liberté d’expression et d’autres droits individuels.
Royaume-Uni : fin du droit de grève ?
Plus près de chez nous aussi, les syndicats ont la vie dure. En Grande-Bretagne, le gouvernement tente de faire passer au Parlement son « Minimum Service Levels Bill », ou « Strikes Bill » (loi sur le service minimum). Selon ce projet de loi, les travailleurs des services publics peuvent être obligés de travailler, même s’ils décident démocratiquement de faire grève, et risquent d’être licenciés s’ils refusent. Le projet a suscité une énorme colère, plus de 10.000 soignants ayant arrêté le travail les 6 et 7 février.
Le Trades Union Congress britannique mène actuellement des actions en faveur du droit de grève.
S’opposer n’est pas un crime
Partout dans le monde, c’est le même modèle qui est suivi. En raison des crises successives, des personnalités autoritaires arrivent au pouvoir. Plutôt que de promouvoir des valeurs démocratiques comme la concertation et la liberté d’expression, on fait taire les opposants. Avec une violence aveugle. Parfois, c’est plus subtil : on recourt à des lois qui étouffent toute possibilité de protestation. Celui qui défend ses droits, est considéré comme un criminel. C’est le monde à l’envers. Heureusement, il y a partout des personnes qui ne se laissent pas faire. Ce sont ces personnes qui font avancer les choses. Faites entendre votre voix. Mettez à profit toute la marge de manœuvre dont vous disposez pour le faire.