Au mot « antisocial », le Robert propose deux définitions. La première dit ceci : « Contraire à la société, à l’ordre social. La seconde : « Qui va contre les intérêts des travailleurs. » L’usage de l’adjectif s’impose donc ici, à l’analyse de la note « De Wever-Bouchez », qui aurait servi de base à la création d’un gouvernement dit « Arizona ».
Depuis la sortie de cette note, les négociations entre MR, Engagés, N-VA, CD&V et Vooruit (la fameuse coalition Arizona) ont capoté. Vooruit a conclu que la note était « déséquilibrée », tandis que le MR n’a pas voulu entendre parler d’une taxation des plus- values. Le formateur Bart De Wever a donc retiré la prise. Coup de théâtre? Ballon d’essai avant les communales ? Pour voir ce qui passe, ce qui casse ? Et ce, avant de remettre les mêmes acteurs en selle, autour de la même note, peut-être légèrement édulcorée ? La vérité, c’est que pour nous rien ne passe. Tout casse. Car cette note est une liste d’horreurs pour les travailleurs et travailleuses, pire encore qu’à l’époque du gouvernement Michel-De Wever.
Assurément, une bonne partie de la population belge a été trompée sur la marchandise, le 9 juin dernier. Car si l’on avait pu entendre les partis de droite répéter à l’envi qu’ils étaient les vrais défenseurs du monde du travail, force est de constater qu’ils sont bel et bien revenus aujourd’hui à leurs fondamentaux : la protection des riches et du patronat.
Donner d’une main, reprendre de l’autre
Certes, ils avaient promis dit qu’ils augmenteraient le salaire net…Mais ils ont oublié de dire qu’ils augmenteraient en contrepartie la TVA, supprimeraient le sursalaire pour le travail de nuit, du dimanche et des jours fériés, supprimerait des avantages fiscaux, toucheraient aux pensions… Autant de mesures cachées, qui sont autant de perte de pouvoir d’achat. Florilège.
Moins de salaires en cas d’heures supp. Aujourd’hui, le travail de nuit est interdit sauf exception négociée dans les secteurs. Demain, ce sera l’inverse. Idem pour le travail du dimanche et des jours fériés. Aujourd’hui, le travail après 20h donne droit à un sursalaire. La note prévoit que désormais, seules les heures après minuit y donneront droit. 360 heures supplémentaires seraient désormais envisageables dans tous les secteurs et toutes les entreprises, sans rémunération supplémentaire et sans possibilité de récupération…
Augmentation de la TVA de 6 à 9% sur les produits de consommation. C’est quasiment tous les produits alimentaires qui vont voir leur prix augmenter. Mais aussi l’énergie, les produits pharmaceutiques, les transports, les journaux et magazines, certains produits culturels, etc.
Suppression du quotient conjugal, soit d’un dispositif fiscal, légal et automatique qui s’applique quand l’un des deux membres du ménage touche sensiblement moins de revenus que l’autre. Loin d’être anecdotique, il concerne 500.000 ménages en Belgique. Si ce quotient conjugal est supprimé, la perte financière sera de 125€ en moyenne par mois pour un couple où l’un travaille à mi-temps et l’autre à temps plein. Jusqu’à 600€/mois pour un couple de pensionnés.
Limitation du chômage dans le temps et impact sur les communes. On ne peut aborder la note De Wever-Bouchez sans parler du trophée de chasse de la droite : la limitation à deux ans des allocations de chômage. Une mesure populiste, inefficace, mais hautement symbolique. Une mesure qui pourrait exclure 130.000 personnes estampillées « chômeurs de longue durée », dont 90.000 pourraient se retrouver au CPAS. Souvent, ce sont des travailleuses et travailleurs qui ont cumulé les petits contrats, mais qui n’ont pas réussi à travailler suffisamment longtemps d’affilée pour sortir des statistiques. Outre l’injustice sociale de la mesure, elle constitue une régionalisation larvée d’un pan entier de la sécurité sociale, et le transfert de la charge financière vers les CPAS et les communes.
Des cadeaux mal répartis
Alors, certes. La note prévoit un recalcul de l’impôt, via une augmentation de la quotité exemptée, qui permettra à toutes et tous de toucher un peu plus de salaire net, environ 110€ à partir de 1750€ de salaire mensuel. Disons-le bien : à toutes et tous. Même à celui ou celle qui touche chaque mois 10 000€ de salaire et plus encore. L’effort – qui coûtera 9 milliards à l’Etat – n’a bien entendu pas porté une attention particulière aux petits et moyens salaires. Un cadeau fiscal à celles et ceux qui n’en ont pas besoin, plutôt qu’un geste plus conséquent pour les ménages les moins nantis, c’est ça, la vision de la droite !
Répétons. Des courses plus chères. Des conditions de travail dégradées. Une attaque fiscale qui touchera particulièrement les pensionnés et les ménages qui comptent un faible revenu. Une réforme fiscale hors de prix et injuste. Une limitation du droit au chômage qui va coûter cher, très cher, aux pouvoirs locaux et donc aux services publics de proximité. S’ajoutent : un « bidouillage » de l’index, une attaque aux pensions, aux périodes assimilées… Le texte regorge de mesures qui frappent fort. Une régression sociale comme jamais vue. C’est tout ça, le projet poussé, côté francophone, par le MR et Les Engagés. Vous en lirez plus dans cette édition spéciale de Syndicats Magazine.
Antisocial, donc, on disait ? « Contraire à l’ordre social, qui va contre les intérêts des travailleurs. » On n’aurait pas pu trouver meilleure définition. Dans quelques semaines, nous retournons aux urnes. Un vote qui va compter, qui doit permettre de redresser la barre. Il est temps de voir la réalité en face, notre analyse est là pour ça. Disons-le une fois encore : la droite ne sera jamais de votre côté.