Un cri de résistance

Un cri de résistance

Ce matin du 16 septembre des milliers de personnes ont à nouveau défilé dans les rues de Bruxelles. Pour demander du respect. Pour soutenir et accompagner les travailleurs et travailleuses d’Audi, de ses sous-traitants et de l’ensemble d’un monde industriel en souffrance. Une manifestation qui sonnait comme un long cri de résistance, vers un monde politique qui n’écoute pas.

10 000, ou plus, mobilisés en moins de trois semaines. Un très long cortège est parti de la gare du Nord pour aboutir place du Luxembourg, dans le quartier européen. Une place qui n’a pas pu contenir tous les manifestants et manifestantes. C’est que le thème “parle” aux gens. Les milliers d’emplois menacés chez Audi et ses sous-traitants, point de départ de la mobilisation, donnent le ton: c’est l’ensemble du monde du travail, en Belgique, en Europe, qui est concerné. Les travailleurs de chez Audi étaient là, bien sûr, leurs familles aussi. Mais ils n’étaient pas seuls. Toute l’industrie a bougé. Mais aussi des travailleurs et travailleuses d’autres secteurs, ou encore des étudiants. Enfin, de nombreuses délégations syndicales européennes ont rejoint Bruxelles pour soutenir la cause.

Mais plus que la foule venue en nombre, ce qui marquait les esprits et le pas de cette colonne de travailleurs et travailleuses en colère, c’était le bruit. Le bruit de la rue. Les slogans, les pétards, les cris, les chants ont rythmé le défilé, du début à la fin. Un long “cri de résistance” comme l’a décrit Hillal Sor, Secrétaire général des Métallos.

Silence politique assourdissant

“Si nous sommes ici si nombreux, c’est parce que l’enjeu est énorme. Chez Audi mais aussi partout ailleurs. L’industrie a été et doit rester la colonne vertébrale de nos économies. La période du Covid l’a clairement démontré : sans une industrie forte – et à cause de toutes les fermetures du passé – nous avons manqué de tout. Les promesses de réindustrialisation étaient alors dans la bouche de tous les représentants politiques.”

Quid aujourd’hui? “Depuis le début de l’année, des milliers d’emplois et de sites industriels sont mis en danger, par la volonté des actionnaires de maintenir leurs dividendes, mais aussi par l’inaction totale de la classe politique. Citons Van Hool, Copeland, Belgan, Ontex, Callebaut, Bandag cette semaine encore. Et bien sûr Audi et ses sous-traitants. Combien d’autres en faudra-t-il pour avoir une réaction politique? Le silence, au niveau belge comme européen, sonne comme une agression.”

“Préserver l’emploi industriel, c’est préserver des vies, des droits, et une vision plus égalitaire de notre société. Quand une usine ferme, ce sont des milliers d’emplois directs et indirects qui sont menacés. C’est une descente aux enfers pour des familles qui perdent leurs moyens de subsistance.”

Hillal Sor, Secrétaire général MWB

Industrie, avenir, climat

Au-delà des emplois perdus, l’industrie est également un outil essentiel dans le contexte climatique que nous connaissons. Ne pas investir, c’est s’assurer de perdre cette lutte. “En préservant nos sites industriels et nos emplois industriels”, poursuit Hillal Sor, “nous avons l’opportunité de réinventer notre modèle économique. Nous pouvons investir dans des technologies durables, dans des méthodes de production respectueuses de l’environnement. Nous ne laisserons pas ce combat aux mains des seuls grands patrons et des actionnaires. Mais il faut être clair. L’avenir se fera AVEC les travailleurs. Ou il n’y aura pas d’avenir.”

Un manque de politiques ambitieuses


Thierry Bodson, président de la FGTB, concluait la manifestation avec un message au monde patronal. “Nous sommes ici pour marquer notre solidarité envers tous les travailleurs qui paient aujourd’hui pour cette absence de vision et de politique industrielle. Quand l’industrie tousse, c’est toute l’économie qui est malade. Il y a des fédérations patronales qui nous disent ‘Cette manif envoie un mauvais signal vers les investisseurs étrangers.’  Mais de qui se moque-t-on ? De nous, de l’ensemble du monde du travail. La situation est désastreuse en raison d’un manque de politiques industrielles ambitieuses. Et face à cette réalité, on a un patronat qui joue les éternelles pleureuses en nous disant qu’il faut diminuer les coûts salariaux. Rappelons que dans l’industrie ces ‘coûts salariaux’ représentent 10 ou 11% à peine des coûts de production. Alors le message aujourd’hui aux patrons c’est celui-ci: avec nous, trouvez des solutions pour les 90% autres coûts de production, ce sera plus utile.”

“On n’a pas besoin d’un retour à l’austérité budgétaire. Ce dont on a besoin, c’est d’investissements massifs dans l’industrie.”

Thierry Bodson

Et ce, sans toucher aux services publics, à la sécu, aux droits et à la sécurité du monde du travail. “Ce n’est pas en cassant les filets de la sécurité sociale et l’encadrement des conditions de travail qu’on va résoudre ce problème. Le travailleurs ne sont ni coupables ni responsables de la situation. Je le précise car quand on regarde les notes qui serviraient à préparer un prochain gouvernement Arizona, c’est tout le contraire qu’on y lit. Dans ces notes, on s’attaque aux travailleurs. Au travail du dimanche, à la concertation sociale… Elles prévoient la limitation des allocations de chômage à deux ans. Soyons concrets aujourd’hui: de qui parle-t-on? De ces travailleurs de chez Audi et d’ailleurs. Ces travailleurs qui vont perdre leur emploi à 58 ans et à qui on va dire après deux ans ‘vous êtes viré, vous irez au CPAS’.”

Un signal, pas le dernier

Ce 16 septembre était un signal fort, sans doute pas le dernier. Le dernier mot revient à Hillal Sor : “Il est temps de prendre son courage à deux mains et de dire aux entreprises qu’elles ne peuvent pas empocher des centaines de millions de dividendes et se barrer comme ça. Mes camarades, face à la logique des actionnaires du profit à court terme, notre réponse doit être un cri de résistance. Ce cri c’est: l’industrie est à nous.”

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