Un article du SETCa
Pour de nombreux parents, trouver une crèche ou une structure d’accueil de qualité et qui correspond à leurs besoins s’avère parfois être un casse-tête. Citons ceux dont l’enfant n’est pas encore né et qui sont sur une liste d’attente pour – peut-être – décrocher une place… Ceux qui doivent faire face à des frais exorbitants car ils n’ont pas trouvé de place. Ou encore ceux qui du jour au lendemain se retrouvent sans structure d’accueil car l’établissement a fermé pour cause de maltraitance. Ceux qui courent après le temps et leur job pour espérer arriver à l’heure et récupérer leur enfant à la garderie. Enfin, ceux qui n’ont tout simplement pas de solution et se retrouvent au pied du mur…
Plus que jamais un sujet d’actualité
Certains se félicitent du choix que font les parents de prendre un congé parental… Certes pour beaucoup de parents, ce choix s’explique par la volonté d’être au plus proche de leurs enfants, de ne rater aucun moment essentiel des premières années de vie… Néanmoins, une autre réalité émerge : la prise du congé parental n’est-elle pas trop souvent encore le signe qu’il n’y a pas assez de places d’accueil et qu’elles ne sont pas adaptées aux besoins des familles ? N’est-ce pas également le signe d’un renoncement d’un des parents à son job, pour garder son enfant ?
La campagne annuelle Equal Pay Day nous rappelle chaque année que l’écart salarial homme-femme est toujours une réalité. En pratique, si l’un des conjoints met sa carrière entre parenthèses, ce sera généralement celui qui a le salaire le moins important, et donc plutôt la femme. Autrement dit, le plus souvent, c’est donc une femme qui prendra le congé parental et qui s’écartera du marché du travail temporairement. D’autres réduiront leurs prestations parce que le coût de l’accueil sera exorbitant au regard de leur salaire. Ce sont souvent des femmes seules, peu qualifiées. Et dont le retour à l’emploi à temps plein sera compliqué.
Travailleurs ou chômeurs : qui a le droit ?
Certains politiques y vont de leur petite analyse pour créer des « catégories de parents », les travailleurs et les demandeurs d’emploi… Ceux qui auraient plus de droits que d’autres ou qui seraient prioritaires pour décrocher le précieux sésame pour l’accueil. Dans ces discours, les plus « méritants », autrement dit ceux qui travaillent, y auraient accès là où les personnes sans emploi resteraient aux portes (fermées) de la crèche. Ce mode de pensée masque les difficultés de décrocher un emploi quand on a un enfant en bas âge. À l’inverse, quand on n’a pas d’emploi, quelles sont les chances de décrocher une place en crèche ? D’être en mesure de la payer ?
Un droit de l’enfant et du parent
En réalité, chaque enfant doit pouvoir bénéficier des mêmes chances et des mêmes droits. Chaque parent également. Des mesures supplémentaires doivent clairement être mises en place pour faciliter l’accueil, et le rendre suffisant et accessible pour et à toutes et tous. Il faut des structures de qualité, abordables financièrement, qui correspondent mieux aux besoins des parents, qui soient qualitatives tant pour les enfants qu’en termes d’emplois. C’est-à-dire qu’elles doivent engager des professionnels de la petite enfance, qui ont un contrat et un statut à part entière, une formation adéquate et une juste rémunération. Le tout, avec un projet pédagogique et des normes d’encadrement sûres tant pour le personnel que pour les enfants.
Responsabilité partagée
Certes, les pouvoirs publics subsidiants ont un rôle essentiel à jouer pour mettre en place ces structures mais ils ne sont pas les seuls ! Chacun a sa part de responsabilité à jouer, y compris les employeurs. Le marché du travail se flexibilise de plus en plus. Élargissement des horaires, souplesse accrue, veulent des travailleurs flexibles… Le gouvernement veut mettre tout le monde au travail et arriver à 80% de taux d’emploi !
Horaires flexibles… accueil adapté !
Le syndicat travaille au quotidien pour encadrer et limiter les horaires atypiques. Ceux-ci continuent néanmoins d’exister à certains endroits. Aussi, les parents n’ont bien souvent pas d’autres alternatives que de faire garder leurs enfants pour pouvoir répondre aux attentes de leur employeur. Il faut donc pouvoir offrir des possibilités de garde qui soient adaptées tant à la réalité des horaires de travail qu’au bien-être des enfants. Des crèches avec des horaires élargis, des « haltes-garderies », des accueils d’urgence pour les demandeurs d’emploi, des gardes d’enfants malades, des heures d’ouverture qui correspondent aux besoins des parents et aux horaires imposés par les entreprises.
Veillons toutefois évidemment à ne pas rendre insoutenables les conditions de travail du secteur de la petite enfance. En d’autres termes, répondre à ces nouveaux besoins des familles ne doit pas se traduire dans les faits par des conditions de travail impossibles pour les personnes employées dans ces structures d’accueil. Un juste équilibre doit être trouvé.
Responsabiliser
Depuis plusieurs années, l’accueil de l’enfance est une matière communautarisée ou régionalisée selon les endroits. C’est une réalité, mais cela n’empêche pas de réclamer au niveau fédéral (dans le cadre d’un prochain AIP ou de la mise en place d’un prochain gouvernement) une responsabilisation des employeurs par rapport à l’évolution des besoins.
Il y a plusieurs décennies, une cotisation de sécurité sociale avait été mise en place, de 0,05% de la masse salariale et dédiée à l’accueil de l’enfance. Cette cotisation, essentiellement affectée au FESC (fonds des équipements et services collectifs) permettait de mettre en place des structures collectives d’accueil de la petite enfance flexibles – structures 0-12 ans. Suite aux différentes réformes de l’État, le FESC a été régionalisé, tout comme les allocations familiales. Cette enveloppe s’est alors perdue, mais les besoins sont restés, toujours plus criants. La subsidiation par le FESC ou tout autre organisme public permet aussi d’avoir des structures accessibles à tous tant financièrement que qualitativement. Car réduire l’accueil de l’enfance à des crèches d’entreprises est évidemment trop élitiste !
Il serait temps que les employeurs, si « demandeurs » de flexibilité, et si souvent entendus dans leurs demandes par les gouvernements successifs, soient à nouveau responsabilisés via le paiement d’une nouvelle cotisation de sécurité sociale permettant de mettre en place des structures d’accueil de l’enfant de meilleure qualité. Cette cotisation pourrait ensuite être redistribuée vers les régions et communautés pour avoir une politique d’accueil de l’enfance adaptée, plus développée, plus complète et mieux subsidiée. Les allocations familiales devraient également continuer à faire partie de la sécurité sociale et donc… rester fédérales.
Des places en urgence !
Chouette, j’ai enfin décroché un emploi… le rêve ! Mais derrière cette bonne nouvelle, que fais-je de mon enfant demain ? Cette situation n’est pas hypothétique, c’est la réalité de tout demandeur d’emploi qui décroche un job ! Il faut donc aussi pouvoir offrir des places d’urgence et permettre notamment aux demandeurs d’emploi de trouver des solutions de garde pour pouvoir accéder à un contrat de travail. Si nous voulons parvenir à une vraie égalité homme/femme, il faut changer les choses. Pour permettre aux parents – dont les isolés, qui sont surtout des femmes encore aujourd’hui – d’être pleinement présents sur le marché du travail. Il en est de même pour l’accueil des enfants malades. Ici aussi, des structures de qualité et en suffisance sont nécessaires.
Chaque enfant, chaque parent doit pouvoir bénéficier d’un droit à l’accueil
En 2024, si l’on veut une égalité homme-femme, si on veut que chaque demandeur d’emploi puisse accéder à l’emploi, si on veut que chaque travailleur ait de vraies solutions pour ses enfants, il faut créer les conditions d’un vrai droit accessible pour chaque parent et chaque enfant. C’est l’affaire de tous, politique, pouvoir subsidiant et employeurs ! Ma crèche, mon droit !
Leen Van Gasse: Accueillante d’enfants et déléguée SETCa
« Notre charge de travail est très élevée. Nous avons 18 enfants à gérer. Nous devrions être trois puéricultrices, mais pour des raisons de maladie ou de congé, nous ne sommes la plupart du temps que deux, pour 18 enfants. Ce qu’on fait, c’est un peu du travail à la chaîne. Changer les enfants, les nourrir, les mettre au lit… Nous n’avons pas vraiment le temps de nous asseoir sur le tapis d’activités avec les petits. La solution serait d’avoir cinq enfants par puéricultrice. Ce serait déjà ça. Ou au moins d’être trois par groupe. Nous aurions ainsi parfois le temps pour autre chose : une activité guidée, de la peinture, du bricolage, lire une histoire… En bref, faire d’autres choses que du fonctionnel avec les enfants, c’est de cela qu’il s’agit. »
Le défi dans le secteur est de recruter et de trouver de nouvelles personnes et aussi qu’elles souhaitent rester suffisamment longtemps. J’en vis l’expérience régulièrement : certaines collègues ne tiennent qu’un an ou deux car elles sont à bout… De mon côté, je fais ce métier depuis 20 ans, j’ai donc beaucoup d’expérience, mais je constate que les jeunes ont beaucoup de mal à tenir le coup.
J’ose espérer que l’avenir de notre profession va s’améliorer, que le Gouvernement comprendra enfin qu’il n’est pas gérable d’avoir autant d’enfants dans un seul groupe pour généralement deux et parfois trois travailleuses. Il faut diminuer le nombre d’enfants par encadrant et offrir de meilleures conditions de travail. Je pense que les deux sont liés. Il faut également qu’il y ait des possibilités d’avancement dans le secteur. Dans mon cas, même après 20 ans d’expérience, je n’ai pas vraiment progressé et je le ne peux pas… J’aimerais être un peu « plus » que simplement puéricultrice. »