Tragédie du Bois du Cazier : Plus qu’une commémoration, un signal d’alarme

Tragédie du Bois du Cazier : Plus qu’une commémoration, un signal d’alarme

Ne pas oublier. Tel est l’objet de toute commémoration. La catastrophe du Bois du Cazier en 1956 ayant causé la mort de 262 mineurs à Marcinelle n’y fait pas exception. Chaque année, à cette occasion, des centaines de personnes s’y rassemblent l’espace d’un temps pour se souvenir et honorer la mémoire des mineurs décédés. Quotidiennement, ces travailleurs risquaient leur vie en descendant dans la mine où les manquements en matière de sécurité étaient criants. Ils n’ont pas pu échapper à l’accident en ce 8 août 1956.

Comme de coutume, mineurs, politiciens et syndicalistes avaient fait le déplacement. Mais le contexte était particulier car pour la première fois, l’émissaire du gouvernement italien était issu d’un gouvernement d’extrême droite. Une tendance qui a le vent en poupe partout dans le monde et qui n’est pas sans rappeler une période bien sombre de notre histoire.
Du côté syndical, nous avons pu compter sur la participation du syndicat italien CGIL. Syndicat dont le siège central de Rome avait été vandalisé par des membres de l’extrême droite en octobre 2021. Carlo Briscolini, fils de mineur italien et secrétaire régional de la FGTB Charleroi, en a profité pour s’entretenir avec nos camarades italiens. Il revient sur cette rencontre.

Travailleurs italiens et belges sont historiquement liés. A-t-on réellement tiré les leçons du passé ?

Ce qui s’est passé en 1956 n’est autre que le reflet de la logique de profit du capitalisme aux dépens de la santé et de la vie des travailleurs. Et cette logique est toujours d’actualité. Cet accident a ouvert les yeux sur les conditions déplorables dans lesquelles travaillaient les mineurs. De nombreuses dispositions ont été prises depuis lors. Mais mourir de son travail est toujours une réalité aujourd’hui. La prévention reste le parent pauvre et c’est là que la politique doit investir plutôt que de privilégier l’indemnisation. Le patron doit être tenu responsable de la santé et de la sécurité de ses travailleurs hier et aujourd’hui.

Autre point de la discussion, celui concernant la montée du fascisme. L’Italie est pleinement concernée.

Oui l’extrême droite est désormais au pouvoir en Italie avec le gouvernement Meloni. On semble avoir oublié les ravages qu’ils ont commis jadis sous l’ère Mussolini. Ces partis fascistes s’accaparent les matières sociales, promettent un avenir meilleur aux citoyens mais c’est de la poudre aux yeux. En Belgique nous sommes également concernés avec le Vlaams Belang en Flandre. Mais même à Charleroi on subit aussi de plus en plus d’attaques. À Gilly, en janvier 2020, lors d’une action que nous avons menée contre un meeting fasciste, c’est nous, manifestants qui avons été gazés. On doit être attentifs et réagir avant qu’il ne soit trop tard.

Vous avez également discuté de la politique radicale adoptée par l’Italie contre les demandeurs d’asile ?

« Interdit aux Italiens, mais pas aux chiens » ce sont des mentions qui étaient affichées à l’entrée de certains cafés lorsque les mineurs italiens sont arrivés en Belgique. Ils ont été accueillis dans des conditions très précaires. Imaginez : leurs premiers logements étaient des barraques en tôle des prisonniers de guerre ! Et c’est ce qu’on reproduit aujourd’hui avec les migrants. Nous ne devons pas retomber dans les travers du passé. À l’heure où les libertés syndicales et le droit de grève sont remis en question, à l’heure où les conquêtes sociales sont sans cesse détricotés, à l’heure où l’extrême droite déploie ses tentacules,… Il est indispensable de faire front. Et nous avons toutes et tous un rôle à jouer pour défendre la démocratie.

À l’heure où les libertés syndicales et le droit de grève sont remis en question, à l’heure où les conquêtes sociales sont sans cesse détricotés, à l’heure où l’extrême droite déploie ses tentacules,… Il est indispensable de faire front.

Carlo Briscolini, Secrétaire régional de la FGTB Charleroi

L’oubli n’est finalement pas un des plus gros dangers de notre démocratie ?

C’est certain. Et pour ne pas oublier, nous avons besoin des passeurs de mémoire. Je tiens d’ailleurs à lancer un appel à la deuxième et la troisième génération de mineurs : nous avons besoin de vous pour que les leçons tirées jadis ne sombrent pas dans l’oubli. Rejoignez les associations de mineurs pour entretenir leur mémoire.

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