La Petite école, c’est une école différente. C’est une école qui… prépare à l’école. Elle accueille des enfants issus de l’exil qui n’ont jamais – ou peu – été scolarisés. Elle les prépare à intégrer le système scolaire ordinaire. C’est un projet pensé et mis sur pied par deux institutrices, Marie et Juliette. Nous avons rencontré Marie, dans le cadre de la sortie du documentaire « Éclaireuses », qui raconte cette belle histoire.
La genèse du projet
Marie et Juliette étaient profs dans une école secondaire professionnelle. Marie enseignait l’histoire de l’art et Juliette le français. Dès leur rencontre, elles ont l’envie de développer ensemble d’autres manières de « faire école ». Elles fondent alors Red//Laboratoire pédagogique, une asbl qui propose des dispositifs « à la frontière entre l’art et la pédagogie ». Elles donnent par exemple cours dans des musées et dans la rue…
En été 2015, Marie et Juliette font la rencontre de familles syriennes dans le Parc de la Rosée, à Anderlecht. Ces dernières leur demandent si elles peuvent donner cours à leurs enfants, pas encore scolarisés. « C’est cette rencontre qui est à l’origine de la création de la Petite école, en 2017 », nous explique Marie (au milieu sur la photo) le sourire aux lèvres.
Le projet pédagogique
La « grande école » peut susciter des peurs, des angoisses auprès des enfants. Pour y remédier, la petite école propose une première expérience de l’école et de ses codes : la structuration du temps, de l’espace, des rôles… dans un espace accueillant, au cœur du quartier des Marolles, à Bruxelles.
A travers des ateliers créatifs de théâtre, de menuiserie, de cuisine, de céramique… les enfants s’expriment, se socialisent, tout en ayant un accompagnement individuel. « On y travaille beaucoup la résilience et la confiance en soi. » A la Petite école, on associe aussi des moments d’apprentissages formels avec des moments plus informels : des repas, des charges ménagères, des rituels…
Les enfants de l’exil
La plupart des enfants accueillis présentent des fragilités comportementales et cognitives liées à leur histoire particulière, mais n’ont pas des troubles d’apprentissage ou des problèmes psychiques. Dans l’enseignement ordinaire, ils sont voués à des parcours difficiles. Parfois même à l’échec ou la réorientation vers l’éducation spécialisée. La Petite école permet à ces enfants qui souhaitent suivre une scolarité ordinaire de le faire, sans se substituer à l’école, mais en la rendant possible.
« L’objectif est de les aider à prendre en main leur destin, malgré ce qui leur est arrivé. »
Marie Pierrard
Actuellement l’établissement accueille 12 enfants, de 6 à 16 ans. Mais depuis sa création, plus de 130 enfants sont passés par la Petite école. Ils sont arrivés par différents biais : antennes scolaires, centres de santé mentale, SAJ, équipes mobiles… Ils sont originaires de Syrie, d’Iran, d’Afghanistan, de Palestine, du Rwanda, du Sénégal, du Maroc, de Roumanie… Les enfants y sont scolarisés en moyenne un an.
Le blog de la Petite école
On y retrouve des textes rédigées par les éducateurs, désireux notamment de partager les petites choses qui surgissent au quotidien et les transformer en anecdotes. Celle-ci est intitulée « #La Petite école : tracer » :
Thierno s’attarde à la table rouge, il prend mon carnet de notes et il trace des lignes d’écriture fines, il imite ma concentration quand j’écris en penchant la tête de côté et en pinçant les lèvres. Il m’indique ce qu’il a tracé et me demande : « c’est quoi ? ». Je regarde attentivement et je lis : « Corentin… a fait…beaucoup… de bêtises ! ». Thierno ouvre les yeux grand et crie de surprise et d’amusement. Quoi ! Il court montrer à Corentin ce qu’il lui est arrivé d’écrire. On fera ce jeu beaucoup de fois encore. Bien sûr, il ne sait pas encore écrire, et pourtant combien de tracés sur Corentin il a écrit, en tenant le stylo avec concentration.
Pour découvrir le blog, cliquez ici.
Un laboratoire de recherche
La Petite école est aussi une école pour les grands. « C’est un véritable laboratoire de recherche », nous explique Marie. « L’objectif est de réfléchir avec les enfants qui n’ont jamais été à l’école à ce que pourrait être une école. » Depuis le jour de sa création, l’équipe tient des réunions pédagogiques hebdomadaires, organise des formations spécifiques, des séminaires thématiques… Elle échange souvent avec des professionnels de champs divers tels que les sciences de l’éducation, la philosophie, la psychologie, la littérature, le théâtre, les arts plastiques,…
Le documentaire « Éclaireuses »
En été 2015, en pleine crise migratoire, parcourant la page Facebook de la Plateforme Citoyenne à la recherche d’un contact, la réalisatrice Lydie Wisshaupt-Claude tombe sur un lien vers le blog de La Petite école. Le projet attire son attention. L’envie d’un film est née. 5 ans plus tard, le documentaire « Éclaireuses » voit le jour.
« Il y a souvent une rencontre derrière un premier geste de film. A l’origine de ce documentaire, il y a celle avec Marie et Juliette. » explique Lydie Wisshaupt-Claude. « J’ai été saisie par leur puissance, leur lumière. Réunies corps et âme dans une entreprise dépassant les questions pédagogiques, humanitaires et sociales, Juliette et Marie me sont tout de suite apparues comme des personnages qui méritaient d’être racontés. »
Prochaines projections :
- À partir du 27/04 : au Cinéma Aventure à Bruxelles
- 19/05 : Projection-débat au Cinéma Aventure à Bruxelles