Thierry Bodson, président de la FGTB, évoquait récemment dans un débat l’importance du travail de terrain et les menaces qui pèsent aujourd’hui sur le monde du travail, au vu des ambitions du gouvernement à venir.
Face à face avec la députée et syndicaliste Nadia Moscufo, pendant le festival « Manifiesta » à Ostende. L’échange est amical : les deux protagonistes, en effet, se connaissent depuis des années, se sont côtoyés sur des piquets, à travers différentes luttes. Le sujet du débat du jour ? « Bodson sur les barricades ». Retour sur cet échange.
« Thierry de terrain »
« Bodson sur les barricades ». Un titre qui colle bien au personnage. Sur les barricades, oui, mais avant tout sur le terrain. Il aime à le rappeler : il a fait tous les métiers, de garçon-boucher à maître-nageur, avant d’entrer à la FGTB. C’est au sein d’un service chômage qu’il a fait ses armes, avant de grimper les échelons du syndicat socialiste. Aujourd’hui président, il évoque les années passées auprès des travailleurs et travailleuses. « C’est la chose qui me manque le plus depuis que je suis devenu président. Avant, j’avais plus de possibilités de rencontrer les délégués, les permanents, les travailleurs. Ce qui me permettait d’avoir un retour beaucoup plus direct des réalités de terrain ! Un retour qui est parfois un peu plus violent d’ailleurs, que ce qu’on reçoit comme informations au niveau des structures de l’organisation. »
Une violence qui s’explique ? « Le monde de l’entreprise est un monde violent, et pas moins aujourd’hui qu’avant. Il y a des pressions, du personnel insuffisant… Si on ne parle pas aux gens, on peut avoir tendance à ne pas comprendre ça. Mais cette violence au travail est réelle. Et donc, parfois, elle s’exprime ailleurs. Sur des piquets, dans des manifestations… Mais tout ça, ce n’est pas gratuit. »
La formation syndicale
L’amélioration des conditions de travail, ça se construit. Un travailleur qui connaît ses droits peut se défendre. Organiser le monde du travail, lui donner des clés de compréhension du monde économique, politique, c’est le rôle des syndicats. À la FGTB, on prend cette mission particulièrement à cœur, via la formation syndicale des délégués. « Il y a un socle politique qui doit exister et être commun, mais aussi un socle technique. Quand on est délégué, il faut savoir lire les comptes. Il faut savoir être critique d’une présentation. Pourquoi ? Parce que même s’il y a des réviseurs d’entreprises qui sont présents en Conseil d’Entreprise, c’est important de pouvoir comprendre et critiquer les chiffres qui sont donnés par l’employeur. On donne donc une formation qui permet d’apporter aux délégués des éléments de lecture des comptes et bilans. Et de tirer sonnette d’alarme au besoin. Enfin, il est important d’avoir des délégués qui ont bien la conscience qu’ils sont dans une organisation syndicale interprofessionnelle. Car la force du monde du travail, c’est d’être uni. »
Uni, notamment face aux menaces qui viennent. Quand Thierry Bodson parle de la fameuse « Note De Wever », il ne mâche pas ses mots. « On lit beaucoup de carabistouilles. Augmenter le salaire poche des travailleurs via le crédit d’impôt, ça coûte des milliards, c’est impossible à faire. Il y a toute une série de mesures qui sont totalement inapplicables. Mais par contre, ce qu’ils font, c’est changer de société, en prônant l’individualisme, en cassant la concertation sociale et en banalisant l’extrême droite. »
Antifascisme
Une banalisation qui passe désormais par des partis « traditionnels ». « Il y a vingt ans, je ne considérais pas que l’extrême droite était un vrai danger en Belgique francophone. Et on le voit, ces partis n’ont pas forcément beaucoup progressé. Mais les idéologies d’extrême droite gangrènent aujourd’hui d’autres partis. Il y a vingt ans, aucun responsable MR n’aurait osé les insultes racistes que Jeholet a proférées durant la campagne de juin dernier. Jamais un Didier Reynders n’aurait dit ça. En plus c’est complètement assumé, juste pour gagner des voix. C’est facile d’être le « rempart contre l’extrême droite » quand on a des propos qui s’en rapprochent fortement.»
Informer
La question du chômage de longue durée, un discours purement électoraliste ? « La droite veut faire croire que ces chômeurs sont ceux qui ne foutent rien, qui passent leur vie dans leur fauteuil. Or on en est loin. La plupart des chômeurs d’aujourd’hui travaillent plusieurs semaines par an, en intérim, et n’ont pas la chance de recevoir des contrats plus stables, qui leur permettraient de sortir de leur condition. Il faut quand même rappeler qu’il existe les contrôles de disponibilité depuis 15 ans ! Il faut donc arrêter de véhiculer cette image de chômeur dans son divan, c’est du populisme ! »
Aujourd’hui, à travers différents outils et des campagnes de terrain, la FGTB entend informer au maximum des mesures antisociales qui jalonnent le projet De Wever-Bouchez. « On est dans une phase d’information et de sensibilisation pour approvisionner le monde du travail en outils de vulgarisation. » Organiser, informer, résister.