La FGTB souffle se 80 bougies, mais continue d’écrire l’Histoire. Avec vous, jour après jour. Retour en arrière.
Les 28 et 29 avril 1945, 1000 délégués, membres de syndicats distincts, se réunissent à la maison du peuple de Bruxelles pour décider de fusionner leurs organisations respectives. Faire converger et cohabiter des courants syndicaux socialistes, communistes, renardistes ne fut pas chose aisée. Mais le monde du travail, plongé dans une économie lessivée par la guerre, avait une telle soif de vivre, qu’il était urgent de le doter d’une organisation syndicale à la hauteur des défis et des progrès sociaux à engranger…c’est-à-dire une organisation unifiée. La fédération générale du travail de Belgique (la FGTB), fruit de cette fusion, verra officiellement le jour le 1er mai de la même année.
« Pour des raisons diverses, les travailleurs étaient dispersés dans plusieurs organisations qui se réclamaient toutes de conceptions sensiblement analogues et poursuivaient toutes des buts à peu près identiques. Dans ces conditions, il n’y avait qu’une chose à faire : mettre tout en œuvre pour rassembler les organisations éparses sous le même drapeau ». (…) Considérant que la première condition du succès de la lutte des travailleurs pour leur émancipation est leur unité organique au sein d’une seule et puissante organisation syndicale, la CGTB, la CBSU, le MSU et le SGUSP* affirment leur volonté de se dissoudre et de fusionner dans une seule et même organisation syndicale dénommée FGTB ».
Extraits du premier Congrès statutaire de la FGTB – 23, 24 et 25 décembre 1945

La FGTB se compose dès le départ d’une quinzaine de centrales professionnelles dont quelques-unes assez puissantes : la CMB (la centrale métallurgiste), la CGSP, la Centrale Générale, le SETCa, la centrale des mineurs… Ce nombre s’est progressivement réduit. Elles sont aujourd’hui au nombre de six. En s’affiliant à la FGTB, les centrales professionnelles conservent leur autonomie mais reconnaissent sa compétence et son autorité, et acceptent de se soumettre aux disciplines fixées par les statuts et les instances.
Depuis sa création, la présence de services dans toutes les régions du pays, la création de trois interrégionales pour adhérer aux évolutions institutionnelles de la Belgique, sont autant d’adaptations qui ont permis à la FGTB de toujours être connectée aux réalités de terrain, tant au Nord, au Centre, qu’ au Sud du pays.
Doubler le nombre d’affiliés
D’emblée, on place la barre haut. La FGTB compte 525.000 membres, il faudra atteindre le million dans l’année. C’est en tout cas l’objectif annoncé par le premier Président de la FGTB, Joseph Bondas, après le congrès de fusion. Le million ne sera atteint que des décennies plus tard… certains syndicalistes ayant collaboré avec le régime nazis, d’autres ayant été actifs dans la résistance, il fallut se refaire une image et convaincre à nouveau. Il fallut aussi partager le travail de syndicalisation avec la CSC car, bien qu’ayant participé aux premières réflexions de fusion, le syndicat chrétien n’a finalement pas souhaité rejoindre le projet d’un syndicat unique. Et conserva son caractère confessionnel. Aujourd’hui, la FGTB compte environ 1,5 million de membres pour 1,7 million à la CSC.

« La force des travailleurs et travailleuses reste quand même de pouvoir se rassembler pour mener des actions ensemble, que cela soit au niveau de l’entreprise, du secteur ou au niveau interprofessionnel. On augmente considérablement les chances de victoire lorsqu’on est unis derrière un même objectif et avec une même méthode de combat. »
— Thierry Bodson, Président de la FGTB
Augmenter les salaires de 60%
Immédiatement, la question des salaires est au centre des préoccupation. 60% d’augmentation par rapport aux salaires de 1940 : c’est la revendication de la FGTB dès sa création. De quoi faire pâlir nos tracts d’aujourd’hui en termes de marge salariale, penserez-vous… En réalité , ce n’est pas comparable. À la sortie de la guerre, les salaires étaient en décrochage complet par rapport au coût de la vie. Les prix explosaient et aucun mécanisme ne les régulait encore. La FGTB s’est donné pour mission de peser au sein de la Conférence National du Travail (CNT) pour que soit mise en place, en concertation avec les représentants patronaux, une indexation des salaires en fonction de l’évolution des prix et un salaire minimum. Prix qui devaient également être rigoureusement contrôlés. Si la FGTB défend bec et ongles l’indexation automatique et revendique sans relâche une réforme de la loi de 1996, c’est parce que l’augmentation salariale est dans son ADN, depuis le début. Peu importe le discours du pouvoir et des patrons sur la nécessité de se serrer la ceinture. Discours lui aussi invariable depuis 80 ans.
L’indépendance syndicale
La FGTB veut, contrairement aux structures qui l’on précédée, prendre son autonomie par rapport aux partis politiques. Dans sa déclaration de principe, on peut lire ceci : « dans un esprit d’indépendance absolue vis-à-vis des partis politiques et respectueux de toutes les opinions, tant politiques que philosophiques, la FGTB affirme vouloir réaliser ses buts par ses propres moyens, en faisant appel à l’action directe des travailleurs eux-mêmes. » Elle ajoute que ses membres ont bien sûr le droit d’être affilié au parti de leur choix à l’exception des partis fascistes. Une précision sera apportée sur ce point en 2024, prévoyant l’exclusion de la FGTB dans pareil cas. Le corollaire de cette indépendance est l’interdiction qui sera faite aux dirigeants syndicaux de cumuler un mandat politique et un mandat syndical. Cette déclaration d’indépendance fait grincer des dents mais elle ne sera jamais retirée des statuts de la FGTB
Dès 1949 cependant, l’action commune socialiste se constitue entre coopératives, syndicat, mutuelle et parti socialiste notamment contre le retour de Leopold III sur le trône. Les quatre branches collaborent désormais sur un pied d’égalité pour servir des intérêts communs. Ce qui permettra au syndicat de porter un regard critique sur le parti et de ne pas nécessairement se sentir lié par la ligne de celui-ci. La tendance communiste reste présente et influente sur le terrain syndical mais s’efface peu à peu au sein des structures dirigeantes.
Dès le départ, la FGTB se dote d’un journal d’information à destination de ses membres, appelé F.G.T.B, organe d’Unité syndical. Un an plus tard, il change de look et de nom pour devenir Syndicats, titre que vous connaissez bien puisque vous le tenez en mains, et dont la dernière lettre rappelle que la FGTB reste une fédération unique… à l’identité plurielle. Votre journal s’est lui aussi adapté au fil des ans, se déclinant aujourd’hui sur le site web que vous êtes en train de lire.
80 ans plus tard
Les organisations syndicales constituent aujourd’hui des piliers de la démocratie et du fonctionnement socio-économique du pays. Sans doute les pères fondateurs de la FGTB seraient-ils fiers du chemin accompli et se réjouiraient de la féminisation de notre organisation. Elle représente les intérêts des travailleuses et travailleurs dans tous les pans de la société, conformément aux objectifs qu’elle s’était fixés en 1945 : celles et ceux qui créent la véritable richesse du pays et qui font tourner l’économie doivent avoir voix au chapitre. La FGTB s’est fortement féminisée à la base et dans ses instances mais la marge pour atteindre l’égalité des genres reste cependant importante. Quant à l’unité, c’est une valeur précieuse dont l’équilibre est un travail permanent.
L’ancrage dans les entreprises de tous les secteurs d’activité et la présence en régions fondent sa légitimité. Mais aujourd’hui encore, c’est bien la structure commune, FGTB, qui donne tout son poids au monde du travail. Nos adversaires politiques, aujourd’hui largement majoritaires au pouvoir, l’ont parfaitement compris. C’est la raison pour laquelle ils ont l’intention de démanteler le modèle social, en ce compris la concertation, qui confère aux syndicats et aux corps intermédiaires, un rôle régulateur construit depuis 8 décennies. En ces temps incertains, le repli sur soi guette à tous les niveaux. Repli identitaire, repli communautaire, repli corporatiste. Ne tombons pas dans ce piège.
*Confédération Générale du Travail de Belgique (CGTB), Confédération belge des syndicats unifiés (CBSU), Mouvement syndical unifié (MSU), Syndicat général unifié des services publics (SGUSP).