Ce mardi 14 octobre était un jour de rendez-vous historique. Des milliers de personnes se sont organisées en pleine semaine pour être présentes dans les rues de Bruxelles à la manifestation nationale en front commun syndical et associatif. Des trains bondés sont arrivés en gare du Nord depuis toute la Belgique pendant plus de trois heures. Beaucoup de citoyens et de citoyennes ont cependant dû rester sur les quais, faute de places disponibles. Dans les rues de Bruxelles : des jeunes, des vieux, des familles. Des calicots et banderoles associatives, des travailleurs et travailleuses de la culture ou des pancartes individuelles, aux côtés de celles des syndicats. Toutes visaient les réformes du gouvernement Arizona. En rangs serrés, parfois à l’arrêt, la marée humaine, immense, a défilé dans le calme, avec des personnes à mobilité réduite, avec des enfants dans les poussettes, sans heurts, malgré la foule compacte. Quand le début du cortège est arrivé en fin de parcours, la place Rogier était encore pleine de monde. C’est exceptionnel !
Nous étions 140.000 parce que le nombre de titres de transport SNCB achetés et de réservations de cars étaient nettement supérieurs à ce que nous avons connu lors de la manifestation du 13 février 2025, où nous étions 100.000. Nous étions 140.000 parce qu’à ce nombre de réservations connues, s’ajoutent toutes celles et tous ceux qui ne passent pas par un syndicat pour venir manifester : ils achètent eux-mêmes leur billet de train. Nous étions 140.000 parce que s’ajoutent aussi les manifestant.es bruxellois.es qui ne viennent ni en train, ni en cars. Nous étions 140.000 parce que les boulevards étaient toujours noirs de monde deux heures après le départ de la manifestation et ce, malgré le fait que beaucoup aient décidé d’emprunter des artères parallèles pour éviter un engorgement. Nous étions 140.000 et peut-être même plus, parce que de mémoires de manifestants, nous n’avions plus vu une telle mobilisation populaire depuis 40 ans. D’autres observateurs l’ont d’ailleurs écrit et décrit. Les agents de police l’ont certainement constaté comme nous.
Mais la police de Bruxelles a pourtant communiqué le chiffre improbable de… 80.000 personnes. Pourquoi ? Certes, il existe toujours une différence entre les chiffres fournis par les forces de l’ordre et ceux communiqués par les organisateurs. Mais la démesure est ici flagrante. La police, devant l’ampleur de la mobilisation contre le gouvernement Arizona, aurait-elle reçu l’ordre de ne pas communiquer un chiffre beaucoup plus élevé, que leurs services avaient pourtant recensé ? C’est la question que nous sommes sérieusement en droit de nous poser.




Par ailleurs, au lendemain de la manifestation, sans surprise, le Ministre de la Défense, Théo Francken (N-VA), a utilisé les interventions disproportionnées de la police. Il a déclaré qu’elle devrait utiliser des LBD[1] à l’encontre des « antifa d’extrême gauche » afin de mieux encadrer les manifestations. À savoir des armes qui ont déjà causé la mort de dizaines de personnes, crevé des yeux, brisé des côtes, perforé des poumons. Demain, des citoyens exerçant pacifiquement leur droit d’expression et de contestation, risqueront-ils de se faire exploser un œil par un LBD ?
Il y a fort à parier que les syndicalistes de la FGTB soient, dans l’esprit de Monsieur Francken, des gauchistes avérés. Et je vous livre un scoop, plusieurs d’entre nous ont aussi une aversion radicale pour le fascisme. Mardi, de nombreux manifestants pacifistes ont été victimes de la technique de la nasse. Des citoyens lambda, avec enfants, se sont retrouvés prisonniers des gaz lacrymogènes. Certains ont pris des coups de matraque.
Le ton est donné. Il semblerait qu’il était écrit quelque part que notre manifestation, d’une ampleur historique, devait à tout prix être minimisée par les autorités et instrumentalisée au profit d’une politique sécuritaire chère à l’Arizona. Les deux choses ont été faites. Elles nous disent quelque chose du projet de non-société que dessine ce gouvernement.
En communicant officiellement le chiffre de 80.000 manifestant.es, les autorités posent un acte politique mais font aussi preuve de mépris à l’égard de la population qui s’est déplacée massivement pour leur adresser un message important.

« Ceci n’affaiblit en rien ni la force collective, ni la colère digne qui se sont exprimées ce 14 octobre. Nous sommes là. »
— Thierry Bodson, Président de la FGTB
[1] Lanceurs de bales de défenses, une arme dite à « létalité réduite ».