« Un projet de gouvernement qui détruit les droits sociaux et sabote les finances communales »

« Un projet de gouvernement qui détruit les droits sociaux et sabote les finances communales »

Les CPAS sont déjà à bout de souffle après plusieurs crises successives. Entre la crise Covid, la crise énergétique et l’augmentation des publics fragilisés, les CPAS bruxellois sont confrontés à une augmentation exponentielle des bénéficiaires. Cette surcharge met à rude épreuve leurs capacités organisationnelles et financières. C’est dans ce contexte tendu que la note de De Wever-Bouchez propose une mesure qui pourrait les pousser à la rupture : la limitation des allocations de chômage dans le temps.

Pour mieux comprendre les impacts de cette mesure sur les communes bruxelloises, nous avons interrogé Florence Lepoivre, secrétaire générale de la FGTB Bruxelles. Elle nous livre ses inquiétudes quant aux conséquences dramatiques de cette réforme sur les finances publiques, les CPAS et les travailleurs de la Région bruxelloise.

Quel serait l’impact de cette réforme à Bruxelles ?

À Bruxelles, cette réforme toucherait près de 30.000 personnes, soit la moitié des chômeuses et chômeurs bruxellois. Parmi eux, les jeunes de 18 à 25 ans sont particulièrement concernés. Cette tranche d’âge représente un tiers des bénéficiaires du RIS (revenu d’intégration sociale), et est déjà la plus touchée par la pauvreté. Cette réforme risque de précariser encore plus ces jeunes, compromettant leur avenir.

Certaines communes, comme Ganshoren, Berchem-Sainte-Agathe ou Woluwe-Saint-Pierre, pourraient voir la demande de RIS augmenter de 40 à plus de 100 %. Selon une étude de Brulocalis, l’impact financier serait colossal : si 100 % des 27 709 demandeurs d’emploi indemnisés de plus de 2 ans sollicitaient le RIS, le coût total annuel pour les pouvoirs locaux s’élèverait à 121,2 millions d’euros. Même dans un scénario plus réaliste, où 60 % des chômeurs de longue durée feraient appel au RIS, le coût serait tout de même de 72,7 millions d’euros par an à charge des communes.


« On peut donc dire avec certitude que l’Arizona nous enfume ! Cette mesure n’est pas une mesure d’économie, mais simplement un transfert de charge du fédéral vers les communes, les CPAS et in fine la Région bruxelloise !  »

— Florence Lepoivre, Secrétaire générale de la FGTB Bruxelles

C’est aussi une régionalisation déguisée d’une partie importante de la sécurité sociale, qui met encore plus de pression sur des finances locales déjà fragilisées.

Les CPAS, qui sont déjà sous pression, ont-ils la capacité d’assumer cette charge de travail supplémentaire, tant au niveau financier qu’en termes de personnel ?

En plus du coût des allocations, les CPAS devront aussi couvrir les frais liés au personnel, à l’encadrement et aux infrastructures pour faire face à l’augmentation des demandes. Le scénario médian, estimé par la fédération des CPAS, prévoit qu’environ 60 % des chômeurs de longue durée demanderont le RIS, entraînant un coût annuel de 93 millions d’euros. Ce montant inclut les dépenses nécessaires à l’embauche d’assistants sociaux et de personnel administratif pour traiter ces nouveaux dossiers.

Le public qui s’adresse aux CPAS a également changé : les demandeurs sont non seulement plus nombreux, mais ils présentent aussi des problématiques plus complexes et diversifiées. Cela alourdit non seulement la charge de travail, mais pèse également sur le bien-être psychologique des travailleurs sociaux, qui se retrouvent de plus en plus souvent confrontés à des situations difficiles à gérer. Ce sont des dossiers plus lourds, ce qui ajoute encore à la pression que subissent les équipes déjà débordées.

Pour compliquer la situation, la note De Wever-Bouchez propose de lier les subventions des CPAS aux résultats obtenus en matière de réinsertion professionnelle. Cette approche est non seulement contreproductive, mais elle signifie une pression supplémentaire sur des travailleurs sociaux déjà à bout. 60 % des chômeurs de longue durée sont sans emploi depuis plus de cinq ans. Conditionner les subventions aux résultats est à la fois irréaliste et injuste.

La réforme pourrait entraîner une augmentation importante du nombre de personnes inscrites au CPAS dans les différentes communes de Bruxelles, avec des pics alarmants dans certaines d’entre elles

Le non-recours aux droits est une réalité à Bruxelles. Cette mesure risque-t-elle d’aggraver encore la précarité ?

Oui, absolument. C’est déjà une réalité préoccupante à Bruxelles : de nombreuses personnes renoncent à demander l’aide qui leur est due, souvent en raison de la complexité administrative ou de la stigmatisation. Avec cette nouvelle mesure, ce phénomène risque de s’intensifier, ce qui accentuerait encore la précarité dans une Région où le taux de pauvreté est déjà très élevé. Cela priverait davantage de familles des aides essentielles auxquelles elles ont droit, aggravant ainsi les inégalités à Bruxelles.

Vous évoquez une dégradation des conditions de travail pour l’ensemble des travailleurs et travailleuses. Pouvez-vous nous expliquer ?

On pousse les chômeurs concernés à accepter n’importe quel emploi, à n’importe quelles conditions. Cela aura évidemment un impact direct sur eux, mais aussi sur l’ensemble des travailleurs. En tirant vers le bas les conditions salariales et de travail, c’est tout le système qui se dégrade ! Et à terme, tous les travailleurs vont en pâtir. C’est une véritable menace pour le marché du travail dans son ensemble.

Quelles leçons peut-on tirer à la veille des élections communales ?

Il faut tirer des conclusions claires en pleine campagne communale. Le MR et les Engagés nous promettent monts et merveilles, mais une fois au pouvoir, qu’est-ce qu’ils font ? Ils s’allient à la N-VA pour démolir notre protection sociale, appauvrir les familles et détruire les finances communales ! Et au final, ces communes ne pourront plus assurer les services essentiels à la population. Il faut en être conscient au moment de voter et ne pas croire aux promesses de ces partis !

FGTB Bruxelles

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Lire aussi x

Syndicats Magazine

GRATUIT
VOIR