Salaire décent : la même lutte, aux États-Unis et en Belgique

Salaire décent : la même lutte, aux États-Unis et en Belgique

Le 29 novembre marquait les 10 ans de la première action de la campagne Fight for 15$ aux États-Unis. La campagne s’est vite transformée en un mouvement mondial, et la FGTB a lancé à son tour la campagne Fight for 14€. Pour un salaire minimum de 14 euros bruts de l’heure, soit 2300 euros bruts par mois.

À l’occasion de cet anniversaire, Syndicats Magazine a réalisé une interview croisée de Nicholas Allen, responsable des relations internationales du syndicat américain des services SEIU (Service Employees International Union), à l’initiative de la campagne, et d’Yvan de Jonghe, coordinateur « fast food » et secrétaire régionale d’Anvers de la FGTB Horval.

D’où vient l’idée de Fight For 15$ ?

N.A. : « L’idée originale vient d’un comité de travailleurs du secteur de la restauration rapide à New York. Ils se sont réunis pour mener campagne ensemble. Qu’est-ce qui changerait leur vie ? Ils ont estimé qu’il valait la peine de se battre pour un salaire horaire de 15$. À l’époque, la plupart d’entre eux gagnaient entre 7,25$ et 8,50$ de l’heure.« 

Comment la campagne Fight for 14€ a-t-elle été lancée ?

Y.D.J. : « En 2012, il y a déjà 10 ans, j’ai commencé à établir des contacts avec Nicholas Allen. En 2014, au nom de l’UITA, notre fédération syndicale internationale, je me suis rendu à New York pour aider à préparer et assister à une grande manifestation dans la ville.

Quand j’ai discuté avec le Co-Président de la FGTB Horval, Alain Detemmerman, de la possibilité de lancer une campagne comparable en Belgique, il a immédiatement été sur la même longueur d’onde. Nous avons commencé petit, mais nous avons persévéré. Et enfin, lorsque tout était sur la bonne voie, nous avons transmis la campagne à la FGTB pour lui donner un caractère interprofessionnel.« 

La campagne Fight for 14€ de la FGTB a été lancée le 1er mai 2018.

Qu’est-ce qui vous a interpellé dans la campagne FF15$?

N.A. : « La campagne a permis de faire prendre conscience que les travailleurs à bas salaires n’en peuvent plus. Que les salaires doivent augmenter considérablement.« 

Y.D.J. : « Cette campagne se distingue par sa simplicité : obtenir 15$ par heure et établir un syndicat. 15 $, puisque les gens doivent pouvoir payer leurs factures, et un syndicat, pour les soutenir dans cette revendication. Les slogans font appel à une réalité que de nombreuses personnes connaissent. ‘A la fin du mois, je veux être capable de payer toutes les factures en effectuant un seul emploi à part entière’. »

Comment s’est déroulée la campagne ?

N.A. : « Nous avons réussi à atteindre l’objectif de porter le salaire minimum à 15$. Mais nous avions également un deuxième objectif : établir un syndicat dans le secteur de la restauration rapide. Nous n’y sommes pas encore parvenus, mais la lutte continue. »

Y.D.J. : « En premier lieu, nous nous sommes adressés aux partis politiques PS et Vooruit où nous avons été accueillis par les présidents pour présenter notre campagne et ses objectifs. Ils y ont immédiatement adhéré. Nous avons pu bénéficier de leur contribution via des propositions de loi et leur travail d’études. Nous avons également adhéré à la coalition mondiale Fastfood d’organisations syndicales et d’organisations de consommateurs de l’Europe. Tout cela nous a même mené jusqu’à Margaret Vestager, la commissaire européenne de l’époque qui a pris au sérieux notre dossier au sujet de McDonald’s.« 

Vous avez mené une série d’actions dans le cadre de cette campagne. Y en a-t-il une qui vous vient directement à l’esprit ?  

N.A. : « Je pense surtout aux grèves de 2016. Des ouvriers de tout le pays ont fait grève et nous avons reçu des témoignages de solidarité du monde entier. C’était vraiment très puissant !« 

Y.D.J. : « Pendant la journée d’action annuelle de la coalition mondiale de Fastfood, nous avons réussi à occuper un restaurant McDonald’s à la Bourse, à Bruxelles. Quand j’ai vu passer nos photos et nos vidéos en Amérique via Fastfoodglobal et la réaction des travailleurs américains, j’étais fier. Ça faisait plaisir de voir qu’en Belgique, nous pouvions également faire la différence.« 

Nicholas Allen, avez-vous des conseils pour les syndicats européens ?

N.A. : « Notre expérience nous montre que les travailleurs sont prêts à prendre des risques et à se battre pour quelque chose qui peut vraiment améliorer leur vie. Il incombe au syndicat de créer et de diffuser les moyens d’action collective.« 

Quels sont les défis auxquels vous êtes confrontés ?

N.A. : « Nous devons continuer à augmenter les salaires – aujourd’hui, 15 dollars ne sont pas suffisants – et à nous battre pour notre syndicat. Aux États-Unis, les règles pour la reconnaissance syndicale sont manipulées en faveur des employeurs. Nous devons les démanteler pour que les travailleurs ayant de bas salaires puissent se réunir à grande échelle.

Nous lutterons pour cela de toutes les manières possibles : en nous organisant, en faisant grève, en votant pour les bonnes personnes lors des élections et en créant des syndicats – reconnus ou non.« 

Y.D.J. : « Aujourd’hui plus que jamais, le pouvoir d’achat est en danger. Tant qu’un travailleur qui a un salaire à temps plein ne peut pas payer toutes les factures ou est obligé de prendre un deuxième emploi, notre action sera nécessaire ! Un salaire correct améliore les conditions de vie. Un meilleur pouvoir d’achat fait consommer plus. Un renforcement de la consommation crée des emplois…  Notre action n’est pas près de se terminer !« 

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