Ne freinons pas l’indexation, un système qui a fait ses preuves

Ne freinons pas l’indexation, un système qui a fait ses preuves

Cette carte blanche de Giuseppina Desimone – conseillère économique FGTB et membre de la commission de l’indice – a également été publiée ce 31 janvier dans l’Echo.

L’indexation des salaires soutient le pouvoir d’achat des ménages, qui est le principal moteur de la croissance en Belgique. La freiner serait une erreur économique.

« Si nous ne faisons rien, la Belgique sera l’homme malade de l’Europe en 2024-2025 »: c’est ce que titrait, en juillet 2022, De Standaard, sous la plume de la Fédération des entreprises de Belgique. Dans un même mouvement, les employeurs demandaient que l’adaptation des salaires à la hausse des prix, l’indexation, soit reportée de deux ans. Ce qui n’a pas été fait.

Heureusement, car le malade est en bonne santé: en 2024, la croissance de l’économie belge était supérieure à la moyenne de la zone euro. Selon l’OCDE, le pouvoir d’achat des ménages, soutenu par l’indexation, s’est avéré être le principal moteur de cette croissance. Il en sera de même en 2025. Les marges bénéficiaires des entreprises, quant à elles, sont restées et restent à des niveaux structurellement élevés, selon la Banque nationale.


« En 2024, la croissance de l’économie belge était supérieure à la moyenne de la zone euro. Selon l’OCDE, le pouvoir d’achat des ménages, soutenu par l’indexation, s’est avéré être le principal moteur de cette croissance. Il en sera de même en 2025.  »

— Giuseppina Desimone, Experte du service d’études de la FGTB

Pertes salariales permanentes

Le système qui a maintenu notre économie à flot pendant deux ans semble pourtant tomber en disgrâce. Une forte réduction de l’indexation des salaires et des allocations est sur la table des négociations fédérales, et la modification prévue n’est pas un détail!

En effet, la période sur laquelle l’inflation est mesurée passerait de quatre à douze mois. De cette manière, des mois avec une inflation plus faible seraient inclus dans le calcul de ce que l’on appelle l’indice santé. Les pics d’inflation seraient, de ce fait, atténués. L’indice serait donc rendu plus « lent ». Comme un poids supplémentaire que l’on traîne lors d’une randonnée en montagne et qui ralentit l’atteinte de la prochaine colline.

Le lissage de l’indice structurellement ralenti entraînerait de facto des pertes salariales permanentes. Cette décélération sera forte en période de forte inflation, et un peu moins forte en période de faible inflation.

Supposons que ce système ait été introduit il y a 10 ans: entre 2016 et 2019 — période d’inflation modérée — la perte annuelle par rapport au système d’indexation actuel pour un salaire moyen serait de 300 euros brut. Dans les années de forte inflation (2022-2023), il y aurait 1.300 euros de moins sur le compte en banque chaque année. Pour de nombreux travailleurs, cette somme compte.

Alimenter l’inflation ?

Et puis il y a cette seconde idée: passer d’un indice pivot à une indexation annuelle des salaires et des prestations de la fonction publique. C’est frappant, car pendant des années, la plus grande critique de l’indexation a été le risque d’une spirale salaires-prix: le phénomène où des salaires plus élevés produisent des prix plus élevés et se renforcent mutuellement à l’infini. Il est évident qu’une telle spirale n’a pas eu lieu ces dernières années, mais c‘est justement ce risque qui est accru par l’indexation annuelle.

Les dizaines de mécanismes d’indexation différents actuellement en vigueur permettent une hausse échelonnée dans le temps du pouvoir d’achat, réduisant ainsi le risque d’inflation supplémentaire. Modifier ces systèmes est une idée économiquement stupide qui ne ferait qu’attiser l’inflation.

Liberté de négociation

L’incohérence entre l’approche de l’indexation, d’une part, et la loi salariale restrictive, d’autre part, est révélatrice. En modifiant l’indexation de manière unilatérale, un gouvernement s’immiscerait dans les accords entre interlocuteurs sociaux. En effet, les mécanismes d’indexation sont librement établis dans les conventions collectives.

Parallèlement, il y a la loi sur les salaires, la loi dite de 1996. Cette loi fixe une limite maximale obligatoire aux augmentations salariales en plus de l’indexation. La Belgique a été réprimandée par l’Organisation Internationale du Travail, en 2022, parce que cette loi viole le principe de la liberté de négociation. À la lumière de cette décision, on s’attendrait plutôt à une intervention dans la loi de 1996, mais les négociateurs s’acharnent sur l’indexation et refusent de prendre leurs responsabilités en assouplissant la loi de 1996.

Les ajustements proposés ne sont pas des corrections sur les prétendus privilèges de certains salariés et agents de la fonction publique, mais bien des changements fondamentaux qui affecteront tout le monde, du jeune demandeur d’emploi au retraité, en passant par le travailleur au milieu de sa carrière. Surtout lorsqu’ils sont combinés à d’autres mesures telles que la non-indexation du revenu d’intégration et la limitation des allocations de chômage dans le temps. Ces mesures sont déséquilibrées, vont à l’encontre des accords internationaux et sont économiquement nuisibles.

Giuseppina Desimone
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