Les cinq hommes les plus riches au monde ont vu leur fortune doubler depuis 2020. Parallèlement, cinq milliards d’autres personnes se sont appauvries, selon le nouveau rapport d’Oxfam sur les inégalités dans le monde.
La sortie de l’étude coïncide avec le lancement du Forum économique mondial – le rassemblement annuel de l’élite économique. A savoir le rendez-vous des plus riches du monde (du calibre de Bill Gates) et des chefs d’État et de gouvernement dans le pittoresque village suisse de Davos.
Pauvreté et privations
Cette année encore, l’ONG met en lumière le fléau de l’inéquitable répartition des richesses. D’un côté, nous assistons à une prospérité et à des avancées technologiques sans précédent. De l’autre, la pauvreté et les privations. En effet, selon le rapport d’Oxfam, « c’est une réalité pour beaucoup. Si nous suivons la tendance actuelle, il faudra encore 230 ans pour éliminer la pauvreté. » Mais dans à peine 10 ans, « nous pourrions voir pour la première fois la fortune d’un multimilliardaire franchir le cap des 1 000 milliards de dollars ».
Pour illustrer la valeur d’un billion (1 000 000 000 000), voici quelques calculs. Un billion, c’est un million de millions. C’est le chiffre à 12 zéros. Qu’est-ce que ça représente? Comment calculer cela? Supposons que vous gagniez 1 000 € PAR HEURE, que vous travailliez 24 heures par jour, 7 jours sur 7. Vous gagniez donc 24 000 € par jour et 8 760 000 € par an. Il faudrait travailler à ce rythme pendant 114 ans pour gagner 1 milliard d’euros. Supposons que vous gagniez 1 000 € PAR MINUTE. Cela représente 1 440 000 € par jour ou 525 000 000 € par an. Pour devenir « billionaire » (le chiffre à 12 zéros), il faudrait travailler pendant 1 904 ans. |
Des PDG milliardaires
Oxfam souligne le rôle des grandes entreprises et des monopoles dans l’exacerbation de cette inégalité. Elle appelle les gouvernements à prendre des mesures urgentes pour répartir le pouvoir et les richesses de manière plus équitable. « L’énorme concentration du pouvoir des grandes entreprises et des monopoles à l’échelle mondiale exacerbe les inégalités à tous les niveaux de l’économie. Sept des dix plus grandes entreprises mondiales ont un PDG milliardaire ou un milliardaire comme actionnaire principal. En faisant peser la pression sur les travailleurs et les travailleuses, en évitant l’impôt, en privatisant l’État et en participant grandement au réchauffement climatique, les grandes entreprises creusent les inégalités. Elles contribuent à gonfler toujours plus la fortune de leurs riches propriétaires. »
L’inégalité aggravée de quatre façons par le pouvoir des grandes entreprises
Premièrement « Les grandes entreprises alimentent les inégalités en utilisant leur pouvoir pour faire baisser les salaires et diriger les profits vers les plus riches. En 2022, l’Organisation internationale du travail (OIT) a averti que la baisse historique des salaires réels risquait d’accroître les inégalités et d’alimenter les troubles sociaux. »
Deuxièmement « Les grandes entreprises et leurs riches propriétaires mènent sans relâche une guerre très efficace contre la fiscalité. Le taux légal de l’impôt sur les sociétés a été réduit de plus de moitié dans les pays de l’OCDE depuis 1980 ».
La vague de privatisations, élément clé des politiques néolibérales, ne fait qu’aggraver la situation. « Partout dans le monde, les grandes entreprises s’immiscent sans relâche dans le secteur public. Elles marchandisent et ségréguent l’accès à des services vitaux tels que l’éducation, l’eau et les soins de santé. Et ce, tout en engrangeant souvent des profits colossaux, aux frais des contribuables. »
Enfin, selon Oxfam, l’omnipotence des grandes entreprises rend impossible la lutte contre le changement climatique. « La privatisation peut également être à l’origine d’inégalités fondées sur le genre, la race et la caste. »
La nouvelle norme ?
Oxfam tire la sonnette d’alarme : « Alors que nous entamons l’année 2024, le danger est bien réel. Cette aggravation pourrait devenir la norme. »
La FGTB pointe du doigt les inégalités depuis de nombreuses années. Dans son dernier baromètre socio-économique, le syndicat affirme qu’« en l’absence d’un outil statistique performant, nous n’avons pas de vue sur l’inégalité des richesses. Toutefois, nous savons d’après les estimations que la Belgique n’est pas un paradis en matière d’égalité. Des années d’érosion de l’impôt sur les sociétés et d’octroi de niches fiscales ont eu pour conséquence que le patrimoine est à peine taxé par rapport aux revenus du travail. »
La conclusion est claire : il est temps de changer de paradigme. Selon Oxfam, « Pour mettre fin à ces inégalités extrêmes, les gouvernements doivent impérativement redistribuer le pouvoir des milliardaires et des grandes entreprises aux citoyens et citoyennes ordinaires. Un monde plus égalitaire est possible si les gouvernements réglementent et réorganisent efficacement le secteur privé. »
La FGTB va dans le même sens. « Dans notre société, chacun est censé contribuer à la collectivité selon ses moyens. Or, depuis 25 ans, on constate partout en Europe, et donc aussi en Belgique, que la contribution des entreprises n’a cessé de diminuer. Par exemple, le taux effectif de la taxe professionnelle a baissé de plus de 10%. Cela signifie évidemment une ponction sur les finances de l’État, d’autant plus que si l’on y ajoute la baisse des cotisations à la sécurité sociale, il en résulte un trou budgétaire. », avec des conséquences graves pour la répartition des richesses.