Une transition climatique juste est possible

Une transition climatique juste est possible

À l’heure où les effets du dérèglement climatique sont indiscutables, la question de la transition est essentielle. En particulier pour un secteur polluant comme celui du ciment. En Belgique, les cimenteries ont longtemps tardé à se moderniser avec comme conséquences une pression constante sur l’emploi et l’incertitude sur l’avenir des sites. Cependant, ce n’est pas une fatalité : lorsque la cimenterie Holcim d’Obourg a fait le pari de construire une toute nouvelle usine avec des technologies radicalement différentes, visant zéro émission nette de CO₂, la délégation syndicale s’est battue pour arriver à la conclusion d’une convention collective de travail (CCT) innovante qui montre que l’industrie peut évoluer sans pour autant sacrifier les emplois.

Christelle Pilette est déléguée à la cimenterie d’Obourg et Lionel Quebella le responsable sectoriel pour la section de Wapi-Mons Borinage. Ensemble, ils reviennent sur les enjeux et les défis de cette transition pour le moins ambitieuse.

Comment les travailleurs ont-ils réagi à l’annonce de la construction de cette nouvelle usine ?

Christelle : Pour les travailleurs et les travailleuses, cette annonce a été dans un premier temps un soulagement général. La menace de fermeture de l’usine pesait depuis des années, et les réserves de matière première s’épuisaient. Passer de la craie au calcaire, capturer le CO₂, changer complètement le processus… cela donne un futur à l’usine. Mais cela signifie aussi un bouleversement complet des méthodes, des outils, et même des métiers. Donc il y a évidemment eu aussi de la peur. Par la suite, une autre inquiétude est apparue : combien d’emplois pourraient être maintenus ? Il faut savoir que chez Holcim, la moyenne d’âge des travailleuses et des travailleurs est de 48-49 ans.

Comment les avez-vous rassurés ?

Lionel : Très vite, il est apparu qu’il faudrait un encadrement syndical fort si on vise une transition qui ne se fera pas sur le dos des travailleurs. Chez Holcim, on a négocié une convention collective de travail inédite qui est le fruit d’un travail syndical intense et la formation y joue un rôle central.

Il faudrait un encadrement syndical fort si on vise une transition
qui ne se fera pas sur le dos des travailleurs.

Lionel Quebella, cg Wapi-Mons Borinage

Justement, expliquez-nous la place de la formation dans cette CCT.

Christelle : À l’origine, il y avait une revendication sectorielle : il fallait absolument former les travailleurs aux nouveaux métiers liés à la transition écologique et industrielle. Face à cela, la délégation syndicale de Holcim a pris l’initiative d’une CCT d’entreprise centrée sur la formation, le démarrage de la nouvelle usine, ainsi que sur des incitants pour les travailleurs et les travailleuses. Cette CCT encadre toute la phase de transition.

La formation en est le pilier principal. Elle permet de garder les gens en poste, d’accompagner la reconversion professionnelle. C’est aussi un levier pour motiver : les bonus sont attribués en fonction des formations suivies, des objectifs atteints. Ceux qui doivent assurer la charge de travail pendant que d’autres se forment touchent aussi des compensations financières[CP1] . Même la production du premier clinker sera récompensée. Rester plus longtemps donne également droit à des incitants.


« La formation en est le pilier principal. Elle permet de garder les gens en poste, d’accompagner la reconversion professionnelle. »

— Christelle Pilette, déléguée à la cimenterie d’Obourg

Lionel : Ce qui est novateur aussi dans cette CCT, c’est qu’on ne pousse pas au départ, au contraire : on donne des primes de rétention pour encourager ceux qui restent.

Des entretiens ont été menés avec les travailleurs pour cerner leurs souhaits dans la nouvelle organisation. Certains suivent actuellement des formations en Suisse dans une cimenterie « voie sèche »  d’Holcim, avec incitants, ce qui prouve que l’entreprise met tous les moyens pour assurer une formation de qualité.

Qu’est-ce qui a rendu ce projet possible ?

Christelle : Très clairement, sans les fonds européens, ce projet n’aurait pas vu le jour. C’est particulièrement vrai pour la mise en route de la deuxième phase du projet CUSC (Capture, Utilisation ou Stockage du CO2) très innovante. Aujourd’hui, cette phase est bien engagée et suscite un vrai enthousiasme : les travailleurs et les travailleuses commencent à y croire.

Comment évoluent les statuts et les compétences dans cette nouvelle usine ?

Lionel : Il y a un vrai changement. Le travail devient beaucoup plus technique, il n’y aura presque plus aucun poste manuel. Tous les nouveaux recrutements se font déjà sous statut d’employé ou de cadre. D’ailleurs la CCT prévoit la création d’un groupe de travail qui s’occupera de l’harmonisation des statuts. L’objectif est de tirer les avantages des ouvriers vers le haut pour les employés.

L’exemple Holcim est un modèle de reconversion de site et de reconversion humaine à la fois. On sauve l’emploi tout en opérant un vrai virage écologique. C’est par cette voie que l’on pourra sauver l’industrie.


 [CP1]Cfr texte de la CCT « Les remplacements pendant les postes fixes, en production, sont considérés comme heures supplémentaires » .

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